Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le voyant presque seul, ont accouru avec frénésie en criant : A Malintzin ! à Malintzin ! Il est cependant encore une fois arraché des mains de l’ennemi ; mais le cor de Guatimozin, qui semble exercer une influence magique comme celui d’Astolphe, continue de sonner, et l’impétuosité des Aztèques va toujours croissant. Ils font rouler aux pieds de Cortez plusieurs têtes espagnoles en s’écriant : Voici Tonatiuh ! (c’était, on l’a vu, le nom qu’ils avaient donné à Alvarado.) Voici Sandoval ! (c’était l’ami le plus cher de Cortez.) Du côté de la colonne d’Alvarado, pour semer l’épouvante parmi les Espagnols, ils lançaient de même des têtes de simples soldats blancs, en faisant retentir le nom de Malintzin. Heureusement ni le général, ni Alvarado, ni Sandoval n’avaient succombé ; cependant les Espagnols étaient en complète déroute ; ils gagnèrent avec peine leurs retranchemens, et le soir, au coucher du soleil, ils purent contempler avec effroi l’horrible cérémonie qui se passait au sommet du grand teocalli. Leurs frères d’armes prisonniers étaient égorgés devant la statue du dieu, et leurs corps sanglans, précipités du haut de la pyramide, tombaient au milieu d’une foule qui s’en disputait les membres pour s’en repaître.

Cette victoire de Guatimozin inspira un grand enthousiasme parmi les Aztèques et ceux qui leur étaient restés unis. Les prêtres proclamèrent que les dieux, satisfaits du sacrifice des prisonniers espagnols, avaient promis de délivrer le pays des étrangers, et que, dans huit jours, cette promesse serait accomplie. À cette nouvelle, l’alarme se répand parmi les alliés des Espagnols. Ils désertent en grand nombre, non pour se rendre chez les Aztèques, dont ils redoutent le courroux, mais pour rejoindre leurs foyers. Cependant Cortez fait faire bonne garde dans le camp. Les sorties des assiégés sont repoussées ; les huit jours se passent sans que les Espagnols aient perdu rien de plus que quelques maraudeurs. Les alliés, voyant que l’oracle est en défaut, reviennent vers les Espagnols. L’ardeur agressive des assiégés se refroidit, et ils se retrouvent bientôt en face des fléaux dont ils étaient poursuivis depuis quelque temps, la famine et les maladies épidémiques qu’engendrent la misère et l’encombrement. De l’exaltation plusieurs passent à l’abattement ; ils voient avec désespoir leurs anciens vassaux démolir tous les quartiers de la ville que Cortez a envahis et niveler ses édifices.

Cortez, qui sait à quoi s’en tenir sur leur position, dépêche à Guatimozin trois chefs qui étaient parmi les prisonniers. Il le fait conjurer de se soumettre, lui promettant qu’on lui laissera la couronne, que les Aztèques garderont leurs propriétés et leurs dignités, sous la