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suzeraineté du roi des Espagnes. Le jeune prince reçut les envoyés avec distinction et écouta attentivement leur message. Probablement parce qu’il n’était pas assez le maître, il s’en remit à un conseil composé des principaux chefs de l’armée et des hommes les plus considérables. Quelques-uns furent d’avis d’accueillir les propositions de Cortez ; mais les prêtres, qui reconnaissaient qu’avec les chrétiens c’en était fait de leur influence, furent d’un avis opposé. « La paix est un grand bien, dirent-ils à l’empereur, pourvu que ce ne soit pas avec les hommes blancs. Il n’est pas de promesse qu’ils n’aient violée. Leur cupidité est sans bornes, et qui pourrait dénombrer leurs outrages contre nos dieux ? Fions-nous aux divinités qui ont été si long-temps les protectrices de notre nation. Ne vaut-il pas mieux mourir que de vivre sous l’esclavage de ces étrangers menteurs et impies ? » Leur éloquence enflamma Guatimozin. « Eh bien ! dit-il, nous mourrons, en combattant ; malheur à qui parlera de se rendre ! » En réponse aux offres de Cortez, deux jours après, Guatimozin ordonne une sortie générale ; elle est sans succès. Les Aztèques sont refoulés et tenus à l’étroit dans quelques-uns des quartiers. Parmi eux la famine devient plus cruelle chaque jour. Ils se nourrissent des lézards et des rats qu’ils peuvent trouver ; ils recherchent les reptiles et les insectes, rongent l’écorce des arbres, et s’en vont la nuit arracher des racines. Pendant ce temps, Cortez, voyant qu’il n’y avait pas d’autre moyen de les soumettre, poursuit l’œuvre de destruction à laquelle il s’était déterminé avec beaucoup de regret : les pyramides et les palais sont rasés, tout comme les huttes en joncs où habitait la populace. La démolition s’accomplit par les mains des alliés, auxquels les Aztèques criaient : « Malheureux ! plus vous démolissez et plus vous aurez à reconstruire, car, si nous sommes les vainqueurs, nous voudrons avoir une capitale aussi magnifique qu’autrefois, et si les hommes blancs l’emportent, ils ne seront pas moins exigeans que nous-mêmes. » Malgré l’âpreté de leurs maux, ces vaillans Aztèques faisaient bonne contenance : ils répondaient avec hauteur et dédain quand on leur disait qu’ils n’avaient plus de vivres, et l’un des chefs indiens attachés à Cortez leur ayant remontré, dans un de ces entretiens qui se reproduisaient assez fréquemment entre les sorties et les assauts, qu’ils étaient à la dernière extrémité, ils lui jetèrent des crêpes de mais à la figure, disant qu’ils avaient des subsistances pour eux et pour les autres.

Cependant la faim et la maladie les décimaient. On les voyait amaigris sur leurs terrasses ou derrière les barricades. Quand on gagnait