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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/231

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sa faim. A l’heure indiquée, Guatimozin ne parut pas ; il se fit excuser par les mêmes chefs qui lui avaient apporté les paroles de Cortez, soit qu’il craignît qu’on ne s’emparât de sa personne et que le sort de Montezuma, réduit à n’être plus que l’instrument passif des étrangers, lui semblât le plus grand des maux, soit plutôt que l’influence des prêtres l’eût déterminé à lutter jusqu’à la fin, sans rémission. Le conquistador retint à dîner ces pauvres affamés, et les renvoya avec ses complimens pour leur maître, et avec des provisions, en réitérant sa demande d’une conférence. Le fier Guatimozin retourna présent pour présent ; les mêmes personnes revinrent au camp espagnol chargées des plus beaux tissus en coton, mais seules, sans l’empereur. Cortez leur renouvela ses instances les plus vives, si bien que le lendemain matin on lui apporta la promesse de la visite de Guatimozin pour midi. Ce fut encore en vain, et l’on s’aperçut que les assiégés se préparaient silencieusement à combattre dans leur dernier asile comblé de morts et de mourans. Il y eut donc, le jour suivant, une bataille ou plutôt une boucherie. Les auxiliaires de Cortez égorgèrent quarante mille Aztèques, sans distinction d’âge ni de sexe. Leur furie sanguinaire excita l’indignation de ce grand homme, qui, rendant compte de cette scène à son maître, lui dit : « Les cris des enfans et des femmes qu’on égorgeait les uns sur les autres étaient si lamentables, qu’il n’y avait personne parmi nous qui n’en eût le cœur déchiré… Jamais on ne vit cruauté pareille (à celle des alliés) ; jamais des êtres sous forme humaine ne se montrèrent plus étrangers à l’humanité. » Et cependant le lendemain matin, après une nuit passée sur ce lieu de désastres, Guatimozin refusa encore de se rendre ou de venir traiter avec le capitaine espagnol.

On était au 13 août 152I. Ce devait être le dernier jour de cet empire si florissant à trois années de là. Avant de donner un dernier assaut, Cortez fit inviter l’empereur à se présenter. Ses envoyés revinrent avec le cihuacoatl, magistrat du premier rang, qui déclara avec l’air de la consternation que Guatimozin saurait mourir, mais qu’il ne viendrait pas traiter. Puis, se tournant vers Cortez : « Faites maintenant ce qu’il vous plaira. — Soit, répondit Cortez. Allez dire à vos amis qu’ils se préparent ; ils vont mourir. » - En effet, les troupes s’avancèrent : il y eut une dernière mêlée, un dernier carnage, sur terre et sur le lac. Les Mexicains épuisés trouvèrent dans leur désespoir, leur patriotisme, leur dévouement à leurs dieux, la force de lutter avec héroïsme une dernière fois. Guatimozin, acculé au rivage, se jeta dans un canot avec quelques guerriers, et essaya