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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/239

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vingt lieues, jusqu’au lac au milieu duquel était située la capitale des Aztèques ?

Le merveilleux proprement dit, l’intervention du ciel, l’historien ou le poète n’ont pas à l’imaginer pour la conquête du Mexique ; les acteurs de la conquête leur en ont épargné la peine. Je l’ai déjà fait remarquer, du côté de Cortez, ces hommes éprouvés par les combats, qui ont guerroyé, les uns en Italie contre les Français, les autres sur les mers contre les Turcs, croient apercevoir saint Jacques, l’apôtre vénéré, qui tire l’épée pour eux, monté sur un cheval blanc, et la Vierge qui les encourage. Ils l’ont vu, de leurs yeux vu ; l’un d’eux, Bernal Diaz l’atteste. Cortez lui-même demeure persuadé que son patron saint Pierre a pris les traits et l’habit d’un guerrier de Tlascala pour venir lui sauver la vie. Pour les Espagnols, les divinités mexicaines sont des transfigurations de Satan, qui entasse contre eux des maléfices, auquel le paradis répond, comme de droit naturel, par des miracles. Du côté des Mexicains, à l’origine les cavaliers sont pris pour des êtres à part ; l’homme et la bête ne forment qu’un ; c’est la fable des centaures renouvelée au sérieux, et les hommes blancs par eux-mêmes ont quelque chose de divin ; on les nomme, avons-nous dit, les dieux blancs. Sans doute, par l’effet de sourdes rumeurs transmises des îles et du Yucatan sur ces hommes blancs et barbus arrivés de l’orient, des bruits étranges s’accréditent dans l’empire mexicain avant le débarquement de Cortez. L’imagination des hommes y joint des présages funestes. A son lit de mort, le roi de Tezcnco, Nezahualpilli, renommé pour sa science astrologique, déclare à Montezuma que c’en est fait de l’empire. Puis il semble que les dieux soient courroucés. Une comète étincelante apparaît ; les eaux du lac se gonflent et envahissent subitement Mexico, sans qu’une tempête ait agité l’atmosphère, sans qu’un tremblement de terre ait ébranlé le plateau d’Anahuac sur ses bases massives ; un vaste incendie désole la capitale ; on entend dans les airs des voix sourdes et lugubres qui annoncent des calamités, et la princesse Papantzin, sœur de l’empereur, morte depuis quatre jours, sort du tombeau pour lui dire qu’une catastrophe est imminente. Quoi de plus merveilleux que la tradition concernant le dieu Quetzalcoatl, au teint blanc et au visage barbu, qui devait débarquer un jour en venant de l’est, ou envoyer ses descendans pour régner à sa place, tradition qui semblait indiquer si clairement Cortez, et dont celui-ci tira un parti infini !

Parmi les motifs qui autorisent les poètes à mêler le ciel d’une manière active et directe aux évènemens de la terre, et donnent, pour