Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du second coup il perça juste et ouvrit largement sa veine. Ses belles chansons, toutes de feu et d’inspiration (il suffira de les noter d’un mot), ce sont : Ma Vie épicurienne (1810) :

Le jour
Chantant l’amour,
Et souvent le faisant sans bruit
La nuit… ;


le Panpan bachique (1809) :

Lorsque le champagne
Fait en s’échappant
Pan, pan… ;


ce sont ces autres refrains irrésistibles et qui éveillent de toutes parts l’écho, le Carillon bachique, surtout le Délire bachique (1810) :

Quand on est mort, c’est pour long-temps…,

admirable chant tout bouillant d’une douce fureur, et où brille dans tout son éclat le génie rabelaisien. Il est telle de ses premières chansons faite comme parodie et pendant à la fameuse chanson à boire de maître Adam de Nevers, et intitulée Chanson à manger (1806), où ce même génie à la Gargantua se déclare. Je ne me figure pas qu’on chantât autre chose aux noces de Gamache ; on en a plein la bouche à chaque mot, on nage véritablement en pleine bombance. Desaugiers, en ce genre, a la veine plus grasse qu’aucun de ses devanciers et de ses contemporains ; mais on ose mieux louer en lui les vifs et légers accès de son humeur jaillissante, au nombre desquels je rappellerai encore la Manière de vivre cent ans (1810). C’est par de telles explosions de verve, populaires en naissant, que Desaugiers est devenu si vite un type national de gaieté et comme le patron à perpétuité de tous les dîners chantans ; il n’en est aucun désormais où sa réjouissante mémoire ne préside. Il a du premier jour, et sans y songer, effacé le pâle Laujon, redonné la main aux maîtres gaulois de vieille race, et n’a pas été détrôné à cet endroit, même par Béranger.

La sensibilité, que celui-ci a introduite avec tant d’art dans la chanson, n’est pas absente, autant qu’il le semblerait d’abord, chez Desaugiers. Dans ce Dîner de Madelon, sa petite comédie la plus charmante (1813), il se rencontre de jolis couplets qui expriment la Philosophie du sexagénaire :