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rives de la Biroussa, on a découvert une couche aurifère dont l’épaisseur est au moins de 6 mètres ; mais on ne peut creuser à cette profondeur à cause de la hauteur de la rivière, dont les eaux envahissent sans cesse les travaux. Après avoir vainement tenté de refouler la rivière au moyen de digues, on a eu recours à un expédient très ingénieux : on a pris le parti de n’exploiter que pendant l’hiver. À cette époque, la rivière gèle en entier. On taille alors la glace de manière à découvrir les parois verticales de la berge, et par cette tranchée on enlève à peu de frais le minerai qu’on désire.

Les richesses minérales de la Sibérie semblent avoir été connues dès la plus haute antiquité. Partout, dans ces vastes contrées, on rencontre des traces d’un peuple mystérieux, désigné par la tradition sous le nom de Tchoudi, et qui, bien avant les mineurs russes, avait trouvé l’art de séparer l’or et l’argent de leur gangue sans valeur. C’est là un nouveau trait de ressemblance qui rapproche ces régions hyperboréennes des provinces intertropicales du Nouveau-Monde. Au Mexique aussi, les Azthèques avaient précédé les Espagnols dans l’exploitation des mines. De même que ces derniers, les Tchoudis paraissent avoir ignoré les usages du fer, avoir eu recours au cuivre et à l’étain pour se procurer des instrumens tranchans, et cette circonstance, en rendant presque impossible l’exploitation des filons en roche, nous explique pourquoi à ces époques reculées, au Mexique comme en Sibérie, l’or était beaucoup plus commun que l’argent.

Peut-être les recherches archéologiques permettront-elles un jour de rattacher l’une à l’autre les traditions locales qui conservent le souvenir des Tchoudis et les croyances grecques qui placent dans les régions boréales le siège d’immenses trésors. Hérodote parle des Arimaspes comme d’un peuple qui savait arracher aux griffons gardiens de ces richesses l’or qui parvenait jusqu’en Grèce par l’entremise des Issédons. Dans le magnifique ouvrage sur l’Asie centrale où M. de Humboldt s’est montré tour à tour profond naturaliste, historien érudit et archéologue plein de sagacité, cet illustre savant place ce dernier peuple dans la steppe des Kirghiz, entre Karkarali et Semipalatinsk. Il est probable que les procédés d’exploitation employés par ces nations éteintes ne différaient pas de ceux qui sont en usage de nos jours. S’il en est ainsi, la fable de la toison d’or recevrait une interprétation bien naturelle. On sait que la dépouille de divers animaux est employée dans le lavage des sables aurifères pour retenir plus facilement les parcelles de métal que leur pesanteur spécifique plus grande laisse déposer sur le fond des appareils. N’est-il pas permis