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de les rapprocher et de les comparer. Quoi qu’on en dise, les faits ne manquent pas : ils suffisent amplement pour asseoir un jugement solide ; mais ces faits, considérés d’un peu loin, ne sont pas toujours bien compris, ils semblent même, à certains égards, se combattre, à tel point que des esprits prévenus y trouveraient sans peine la justification des opinions les plus contraires. Aussi la comparaison de ces faits, non éclairée d’avance par une judicieuse analyse des circonstances diverses qui peuvent modifier les prix, n’est-elle propre qu’à conduire, à travers une suite de contradictions apparentes, à un abîme de doute.

Trois élémens différens et très distincts constituent le prix total du transport des choses et des personnes : d’abord, le péage, qui représente l’intérêt des fonds engagés dans la construction de la voie et la dépense ordinaire de l’entretien ; ensuite, le transport proprement dit, qui comprend toutes les dépenses relatives au déplacement opéré sur la voie même, avec tous les frais administratifs qui s’y rapportent ; enfin, les frais accessoires, qui consistent surtout dans la prise des marchandises à domicile, le chargement et le déchargement, la remise à domicile. Or, il s’en faut bien que ces élémens divers subissent les mêmes influences et suivent les mêmes lois. De là des inégalités apparentes, des anomalies singulières, dans la lutte engagée entre les chemins de fer et les canaux, irrégularités, anomalies dont il faut se rendre compte, si l’on veut mettre entre les faits cette concordance qui seule en rend le témoignage concluant.

Si l’on devait s’en rapporter aux seules données théoriques, la question qui nous occupe serait bientôt résolue. On prouverait, par des calculs mathématiques, qu’une force égale entraîne une charge bien plus considérable sur une voie d’eau que sur des lignes de fer. Ces calculs, nous le savons, ne valent pas les leçons de l’expérience. Toutefois, sans leur accorder une importance décisive, il est permis de les prendre comme point de départ, et il est bon, dans tous les cas, de connaître, au moins par approximation, les conditions différentes de la traction dans les deux modes que l’on compare. Voici comment M. Cordier déterminait ces conditions dans un ouvrage publié en 1830[1], le premier dans lequel ait été produite en France l’opinion de la supériorité absolue des chemins de fer sur les canaux.

  1. Considérations sur les Chemins de fer, par M. J. Cordier, inspecteur divisionnaire des ponts-et-chaussées.