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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/294

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mais comme point de départ d’une appréciation, c’est le prix de revient, assez bien constaté et connu, du transport des marchandises sur le chemin de Saint-Étienne. On l’a établi, d’après les comptes-rendus de la compagnie, à environ 8 centimes par tonne, non compris l’intérêt du matériel roulant. Quoique ce chiffre nous paraisse un peu trop faible, nous l’acceptons pourtant ; mais il faut dire, malgré toutes les assertions contraires, que c’est là un prix de revient exceptionnellement bas, et auquel nul autre chemin de fer en France ne pourra prétendre.

On parle des inconvéniens particuliers au chemin de Saint-Étienne, du peu de largeur de ses entre-voies, de la raideur de ses courbes, de l’imperfection de son matériel (aujourd’hui réparée) et de ce qui lui reste encore de son ancienne méthode de traction par chevaux. Tous ces inconvéniens sont réels, bien qu’on les exagère ; cependant on ne prend pas garde qu’ils affectent beaucoup moins le transport des marchandises que celui des personnes. Qu’importe la largeur des entrevoies, qu’importe aussi la raideur des courbes, avec les petites vitesses que les marchandises demandent ? Et quant à la traction par chevaux, P il n’est pas bien sûr que pour les petites distances où elle était particulièrement employée, elle revînt à plus haut prix que la traction par les locomotives. A d’autres égards, quels avantages ce chemin n’a-t-il pas sur tous les autres ? D’abord l’extraordinaire importance de son trafic, qui tient à sa position particulière et qui sera difficilement égalée, circonstance qui seule lui assure une économie relative considérable. Ensuite la nature même de ce trafic, qui consiste pour la plus grande partie en transport de charbon[1], avantage immense, inappréciable, et que rien ne peut compenser ailleurs. Qui n’a remarqué, en effet, que lorsque l’on cite de temps à autre un chemin de fer comme exemple de l’abaissement possible des tarifs, c’est toujours sur la houille que la baisse porte, c’est toujours d’un chemin houiller qu’il s’agit ? C’est qu’en effet, outre que le charbon est, de toutes les marchandises que les chemins de fer transportent, la plus commode, la plus maniable, la plus facile à arrimer, à charger et à décharger (surtout quand on en fait un trafic habituel et que les wagons sont disposés en conséquence), c’est encore de toutes les marchandises celle qui fournit, lorsqu’elle abonde comme dans le cas

  1. Sur 330,223 tonnes de marchandises transportées dans le deuxième semestre de 1841, on a compté 274,154 tonnes de charbon et coke. La proportion était encore plus considérable dans le semestre correspondant de 1843.