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La station ou la gare d’une voie d’eau se prolonge, au contraire, sur une étendue considérable ; elle est, pour ainsi dire, indéfinie. Voyez seulement Paris, et considérez sur combien de points les bateaux vont aborder. Il en est de même partout. Souvent,, aux abords d’une ville, quand cette ville n’est pas enclose de murs, et qu’elle peut se répandre à volonté dans la campagne, vous voyez se prolonger le long, de la voie navigable une ligne interminable de maisons ou d’usines, qui toutes sont en contact direct avec elle et vivent de ce contact. Est-il raisonnable de supposer qu’il en puisse jamais être ainsi d’un chemin de fer ?

Ces avantages ne sont pas d’ailleurs les seuls. Il en est un, par exemple, dont l’importance peut être sentie beaucoup mieux qu’elle ne s’explique : c’est la liberté de mouvemens et d’allures que la voie d’eau permet, liberté qui s’accorde si bien avec les habitudes commerciales, et qu’un chemin de fer exclut parce qu’elle est de tous points incompatible avec la rigueur obligée de son service. C’est en même temps la facilité avec laquelle la voie d’eau se prête à tous les besoins les plus variés. Sans entrer à cet égard dans des détails qui deviendraient trop minutieux et nous mèneraient peut-être un peu loin, nous nous contenterons de transcrire quelques réflexions pleines de sens et de justesse, qui nous ont été communiquées par un homme pratique. Voici ce que nous écrit sur ce sujet M. P. Tresca, commissionnaire à Dunkerque[1] : « D’une seule marée il rentre à Dunkerque de 40 à 50 navires, comportant 200 à 250 tonneaux chacun. Les 10,000 tonnes que fournissent ces navires sont expédiées dans les dix jours qui suivent le commencement des déchargemens. Outre la difficulté de fournir les 2,500 wagons (en dix jours) pour transporter ces marchandises, resterait l’impossibilité à chaque destination de fournir des magasins assez vastes pour loger une aussi grande quantité de marchandises, tandis qu’en expédiant par bélandre bien couverte, la marchandise est logée, le propriétaire n’a nullement à s’en inquiéter. Pendant tout le temps du parcours, il peut chercher à la vendre ; il peut, moyennant une indemnité minime de quelques francs par jour, la laisser à bord du bateau même après l’arrivée à destination,

  1. Nous nous étions adressé à M. Tresca pour savoir de lui quel était le résultat actuel de la concurrence que la voie navigable du nord fait depuis quelque temps à la Seine. M. Tresca a eu l’obligeance de nous répondre, en joignant à sa lettre des. réflexions qui nous ont paru trouver ici leur place. M. Tresca est le premier qui ait fait, en 1823 et 1824, des expéditions par eau de Dunkerque sur Paris.