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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/306

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rende la circulation sur les canaux impossible ou onéreuse à ceux qui l’entreprennent, il ne suffit pas qu’elle s’attaque aux tarifs actuels de la navigation tels qu’ils sont généralement établis en Angleterre avec la surcharge du péage : il faut encore qu’après avoir supprimé tout péage, elle en vienne jusqu’à affecter les prix du transport effectif. C’est alors seulement que les chemins de fer et la batellerie se trouveront pour ainsi dire face à face. Jusque-là, les propriétaires des canaux seront seuls en cause. Eh bien ! dans l’état présent des choses, les chemins de fer sont tellement loin de cette limite, il y a entre leurs prix et ceux de la batellerie une distance si grande, qu’il est presque ridicule de penser qu’ils parviennent jamais à la franchir.

L’unique question, répétons-le, est donc de savoir si, en présence des chemins de fer, les canaux exploités par des compagnies donneront encore à leurs propriétaires un revenu. Eh bien ! malgré d’inévitables inégalités, dont nous avons expliqué la cause, l’affirmative est hautement proclamée en Angleterre par un vaste ensemble de faits, puisque là ce revenu n’est pas seulement suffisant, mais large, élevé, royal. Une valeur plus que double de la valeur primitive, un revenu supérieur encore, toute proportion gardée, à la valeur vénale, car l’agiotage, qui donne aux actions des chemins de fer une valeur exagérée, agit sur celle des canaux en sens contraire : voilà les résultats actuels. N’est-ce pas là, même au point de vue des compagnies, une brillante opération ? Que sera-ce si l’on considère cette opération à son véritable point de vue, à celui du pays, c’est-à-dire si, outre l’accroissement de valeur commerciale et financière des canaux, on tient compte de l’immense valeur agricole qu’ils ont créée : les marais desséchés, les landes arides fertilisées, le trop plein des eaux enlevé dans la saison des pluies, l’humidité rendue aux campagnes dans les temps de sécheresse, sans compter tant d’autres bienfaits pour les populations ? Tout cela, dira-t-on, est de peu de valeur pour les compagnies qui construisent les canaux et qui les exploitent. Oui, si les actionnaires de ces compagnies sont de simples spéculateurs qui n’engagent leurs fonds qu’en vue du revenu commercial ; aussi pensons-nous que, vu le caractère de ces travaux et la nature des services qu’ils rendent, les canaux doivent être entrepris à d’autres conditions. Supposez qu’ils aient été construits au compte et avec les deniers des propriétaires riverains, ce qui est du reste vrai en Angleterre même dans bien des cas : comprend-on alors les conséquences ? Par le seul fait de l’amélioration de leurs terres, ces propriétaires