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prières qui signala l’enterrement de Mlle Raucourt, Cadet Buteux avait chansonné sur l’air : Faut d’la vertu, pas trop n’en faut… On se rappelle la lettre du bon chanoine que nous avons précédemment citée, et qui témoigne de l’indulgence du clergé en général pour Desaugiers ; il me semble maintenant que nous nous l’expliquons très bien.

Béranger à ses débuts, et dans sa période du Roi d’Yvetot, avait été fort lié avec Desaugiers ; l’aimable président du Caveau avait accueilli à bras ouverts le nouveau-venu qui s’annonçait si bien ; il fut le premier à lui donner l’accolade, il chantait partout ses louanges, et, qui mieux est, ses chansons pour les faire valoir. Béranger le lui a rendu par ces couplets sémillans qui se sentent si bien de leur sujet :

Bon Desaugiers, mon camarade,
Mets dans tes poches deux flacons ;
Puis rassemble, en versant rasade,
Nos auteurs piquans et féconds.
Ramène-les dans l’humble asile
Où renaît le joyeux refrain.
Eh ! va ton train
Gai boute-en-train !
Mets-nous en train, bien en train, tous en train,
Et rends enfin au Vaudeville
Ses grelots et son tambourin.

On a dit que, bien peu après, les opinions politiques avaient séparé ces deux hommes, rivaux un seul moment ; qu’il en était même résulté d’un côté… mais chut ! j’aime mieux croire en tout à la louange manifeste qu’à l’allusion cachée.

Desaugiers devait voir la restauration avec faveur ; s’il avait chanté l’Empire, comme c’était d’usage et de rigueur alors, il était prédisposé par nature à devenir bourbonien ; il aimait les jouissances sociales, les bienfaits de la paix, et la race d’Henri IV prêtait de tout point à ses refrains favoris. Sa politique et sa charte, à lui, étaient courtes : s’en remettre à la Providence et au pilote pour le gouvernail de l’état, et se contenter d’être le plus aimable, le plus égayant des passagers. Il fut très bien traité par les princes rentrans, par le comte d’Artois en particulier ; on lui demandait en toute occasion d’animer de sa présence et de sa verve les divertissemens et les fêtes. Nommé directeur du Vaudeville en 1815, il y resta jusqu’à sa mort, sauf une interruption de deux ou trois ans (1822-1825). Il continua aussi de présider