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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/346

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doit expirer élégamment, fut celui d’une criminelle vulgaire qui se torture dans les remords. Ce qui nous reste à raconter sur cette femme a pour autorité son propre témoignage ; nous ne faisons que copier sa confession, reçue au lit de mort par un ministre protestant épouvanté.

Les deux cours de Zelle et d’Osnabrück ne se ressemblaient donc en rien. Le duc était riche dans son petit territoire, et l’évêque pauvre dans sa forteresse. Les mœurs domestiques et la simplicité de l’un étaient comme un reproche permanent et une satire involontaire des tumultueuses splendeurs dans lesquelles le prince-évêque faisait fondre ses domaines et obérait son trésor. Si ce dernier voyait avec quelque dédain les goûts conjugaux et économiques de son frère, il ne se préoccupait pas moins du mariage que l’on pouvait réserver à Sophie-Dorothée, sa nièce, et des entraves qu’un choix peu convenable à ses intérêts apporterait à ses desseins ultérieurs. Son fils George, tout brave qu’il fût et descendant des Stuarts par sa mère, était sans grace, sans habileté, sans esprit, et le prince-évêque devait lui laisser une fortune compromise. Si le mari de Sophie-Dorothée réunissait les qualités contraires, il pouvait devenir un rival dangereux ; aussi les espions de l’évêque lui apportèrent-ils une nouvelle qui le glaça d’effroi, quand ils lui dirent que le fils du prince Antoine Ulrich de Wolfenbüttel, cousin du duc de Zelle, s’était mis sur les rangs, que la duchesse protégeait ses prétentions, et que la jeune fille (elle avait quinze ans alors) semblait elle-même assez favorable à cette union avec son cousin. La réunion des deux familles et des deux domaines devenait redoutable. L’évêque ne savait toutefois comment s’opposer à ce qu’il craignait ; il consulta son ministre Platen et surtout la femme de Platen, devenue le véritable ministre, reine de sa cour, directrice des bals, souveraine des plaisirs de son éminence, et motrice de toutes ses volontés. Celle-ci avait marché à grands pas. De sa sœur Catherine, gracieuse intrigante qui reconnaissait la supériorité de sa sœur aînée et obéissait aux mouvemens qui lui étaient imprimés par Élisabeth, elle avait fait d’abord l’épouse légitime du complaisant précepteur M. Busche, ensuite la favorite du fils aîné de l’évêque. Ce dernier revenait de ses guerres en Morée et en Hongrie, couvert de lauriers, mai élevé, plein de son mérite et rompu aux habitudes soldatesques ; c’était lui que les deux sœurs avaient déjà régalé, comme nous l’avons vu, d’un ballet pastoral et mythologique. Il accepta le titre de protecteur de Mme Busche, et, par cet habile arrangement, le père et le fils se trouvèrent à la fois sous la main des deux sœurs.