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que la malice féminine de la princesse, si vertueuse qu’elle fût, ne se réjouît d’assister de près à l’une des chutes de sa fière ennemie. Le comte avait promis à ces dames de les tenir au courant des détails du siège, et il faut bien en vérité pardonner quelque chose au caractère d’enfant gâté de Sophie, à ses habitudes de princesse adorée, aux caprices d’un esprit vif, à son ménage brouillé, et à sa juste colère contre Mme Platen.

Ici commence une série de malheurs et de fautes de la princesse, fautes qui, certes, ne sont pas des crimes, et qui prouvent son innocente imprudence. Entourée d’influences hostiles et se débattant sans pouvoir les combattre, elle ne fit, à chaque mouvement, que s’embarrasser dans leurs replis. George était revenu trouver Mlle de Schulenburg ; l’électeur vivait sous le joug appesanti d’Élisabeth Platen ; le duc de Zelle était singulièrement refroidi pour sa fille, et même pour sa femme, que Bernstorf, l’homme aux tabatières, lui montrait comme une Française dangereuse ; enfin le comte Kœnigsmark poursuivait son vol de papillon. Des scènes violentes avaient lieu dans le palais électoral, dont Mlle de Schulenburg avait doucement pris possession ; un beau jour, le mari de Sophie-Dorothée voulut étrangler sa femme contre une muraille. Elle prit la fuite, et demanda asile à sa famille, qui, ne jurant que par le conseiller Bernstorff, la reçut fort mal, et la renvoya chez son mari. La situation de cette pauvre femme devint affreuse, toute riche et puissante qu’elle fût ; repoussée de son père, vainement défendue par les supplications maternelles, maltraitée par son mari, poursuivie jusqu’à la mort par Élisabeth Platen, indifférente à la population allemande, qui voyait en elle une étrangère, ses seuls amis étaient cet étourdi de Kœnigsmark, qui devait la perdre, et sa demoiselle d’honneur, Mlle de Knesebeck, qui n’avait ni pouvoir ni fortune.

Alors la pensée de son cousin se représenta dans son esprit. Jamais, depuis la rupture du premier mariage, Auguste de Wolfenbüttel n’avait reparu à Zelle et dans le duché de Hanovre. Quand elle se vit sans espoir du côté de sa propre famille, elle imagina d’échapper à ce malheur en prenant refuge à Wolfenbüttel, chez le père de son cousin, de réclamer publiquement le divorce, d’attester l’innocence de sa vie et les torts matériels de son mari, de porter sa cause devant une cour aulique ou consistoriale, et qui sait ? peut-être d’épouser celui qu’elle aimait. Le plan était hardi, et il fallait réussir. Elle en fit part à Kœnigsmark et à Mlle de Knesebeck, qui ne trouvèrent point les circonstances favorables.