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la belle Liligi ; porté sur son manteau fantastique, il gagne l’océan où bientôt il plonge avec sa proie, et va frapper à la porte de corail, amenant aux sept sœurs l’aimable princesse, qui sera nixe un jour et commence en attendant son apprentissage.

Une des graces principales de cette poésie est, selon moi, dans la naïveté même de l’inspiration du poète, dans la profonde sympathie de l’auteur pour son sujet. M. Édouard Moerike aime, on le voit, cette mythologie romantique ; il y croit, il a foi dans son naturalisme, et, quand il parle de cette vie élémentaire des sources et des fleuves, je trouve en son accent quelque chose de la persuasive sérénité de Novalis interrogeant au sein des mines de la terre les forces vives des métaux. Au premier abord, l’idée pourra sembler étrange, et cependant rien n’est plus vrai : il y a parmi les poètes des organisations plus spécialement appelées à rendre certains frémissemens, certaines sensations de la vie de la nature. On dit de tel peintre : il fait bien l’eau, le ciel, les arbres ; pourquoi n’en dirait-on pas autant de tel poète, de Wilhelm Müller et de M. Édouard Moerike par exemple, les deux lyriques en Allemagne qui, selon nous, ont pénétré plus avant dans ces mystérieuses confidences de la naïade moderne ? celui-là un peu prosaïque, un peu bourgeois, comprenant davantage l’eau qui fait aller le moulin, le courant leste et clair où voyage la truite entre deux haies de gazon émaillé ; celui-ci plus entraîné vers le merveilleux, plus romantique, et préférant au ruisseau de la belle meunière la grotte de cristal des ondines du Rhin ou du Danube.

Sur le Danube immense un esquif a glissé,
Vois, c’est la fiancée avec le fiancé.

« Que puis-je te donner, mon bien-aimé ? dit-elle ;
Dis, quel est le trésor que ton désir appelle ? »

Lui plaisante et sourit ; mais la vierge, à ces mots,
Plonge sans hésiter son bras au sein des flots.

« Naïade du Danube, ah ! que ton flot m’envoie
Pour mon doux bien-aimé quelque splendide proie ! »

Et soudain dans sa main étincelle au soleil
Une royale épée au pommeau de vermeil.

A son tour, lui s’incline, et voilà qu’il ramène
Dans ses doigts un collier qu’envierait une reine.

Sur le front de sa belle il le pose à l’instant ;
On dirait à la voir la fille du sultan ! -