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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/371

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as compris, et mesure trois pas le long de nos vignes riantes. » Cependant le dieu demeure immobile et chacun croit avoir perdu sa peine, lorsque trois coups de tonnerre ébranlent la vallée.

« Ainsi Zeus lui-même a voulu que son fils nous soit propice, ainsi nulle prière n’est vaine, et l’Olympe exauce encore les vœux des gens. »

À cette manifestation divine succède un silence sacré ; puis, le trouble religieux se dissipant, on songe à couronner la fête.

« Entonnez les dernières chansons et descendez par couples jusqu’au fleuve, où vous attend un bateau pavoisé. A la place d’honneur, que le dieu s’installe et nous dirige, et que l’équipage glisse en chuchottant par les frais sentiers que la lune éclaire. »


L’épigramme dans le goût antique, et telle du reste que Goethe l’a restaurée, se montre aussi par moment aiguisée tant bien que mal et voulant mordre, mais plus volontiers sentimentale, comme dans ce sixain que le poète adresse à sa mère.


« Eh quoi ! de tant de poésies, pas une qui te soit destinée, ô ma mère ! Pour te chanter, crois-moi, je suis trop pauvre ou peut-être trop riche, car toi seule, en mon sein, es tout un poème encore inchanté[1], un poème que nul ne sentirait et que je garde pour me consoler lorsque mon cœur attristé se détourne du monde, et, solitaire, contemple en lui la paix durable de son immortelle partie. »


Une autre fois le poète, traversant un cimetière de village, s’arrête devant une sépulture délabrée. Que d’abandon et de misère ! C’est à peine si quelques vieillards du pays se souviennent du nom qui fut gravé sur cette dalle, et nul, à coup sûr, n’y soupçonne un sanctuaire. Là repose la mère de Schiller, du prince des lyriques souabes. Le passant attendri cueille sur la place une églantine, et la rose sauvage devient entre ses mains le sujet d’une élégie en douze vers qui serait peut-être la meilleure épitaphe à inscrire sur la pierre de celle qui mit au monde un immortel, si pendant qu’on élève des statues au fils on pouvait s’informer encore de l’endroit où gisent les ossemens de la mère.

Nous en avons dit assez sur M. Édouard Moerike pour qu’on ait une idée du caractère de cet aimable esprit. Nous n’osons croire cependant que les amateurs du haut goût en littérature s’accommodent jamais d’un régime si simple, à moins que ce ne soit par contraste à

  1. Ein noch ungesungenes Lied ruhst du mir im Busen.