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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/377

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M. Dupin, M. Barrot. Tout le monde sait d’où l’impulsion est venue. On se rappelle l’attitude embarrassée du pouvoir dans la discussion de la loi sur l’enseignement à la chambre des pairs. On se rappelle ses hésitations et son silence à la chambre des députés. Pendant que son inaction aggravait le péril, qui a pris en main la question, qui a imprimé au gouvernement une direction salutaire, qui a réclamé une solution prompte, soit par les voies légales, soit par des formes conciliantes, qui a professé les principes d’après lesquels la négociation a été suivie, qui a parlé, qui a conseillé d’agir, si ce n’est l’opposition, représentée dans cette circonstance par M. Thiers, et par les honorables membres que nous venons de nommer ? L’opposition n’a pas négocié, cela est vrai ; mais tout porte à croire que l’on n’eût pas négocié, si elle avait gardé le silence, et, dans tous les cas, la modération et la fermeté qu’elle a montrées ont rendu la négociation plus facile. Voilà ce que des écrivains ministériels devraient avoir la bonne foi et le courage de reconnaître, au lieu de plaisanter ingénieusement tous les matins sur le prétendu dépit de l’opposition. À les entendre, on dirait que le ministère a vaincu l’opposition en triomphant des jésuites. Est-ce donc ainsi qu’il faut écrire l’histoire pour être agréable au ministère ?

Un jour viendra sans doute où le pouvoir et ceux qui le défendent comprendront mieux les véritables conditions du gouvernement représentatif. Pourquoi cet acharnement des feuilles ministérielles à déprécier sans cesse l’opposition, à nier sa part d’influence, à lui contester ses mérites, à méconnaître les services qu’elle peut rendre et ceux qu’elle a rendus ? N’est-il par avéré que l’opposition, depuis bientôt cinq ans, a pris une part décisive dans les grandes affaires qui ont occupé le pays, telles que la loi de régence, les fortifications, le droit de visite, l’accroissement de la marine, et, en dernier lieu, la question des jésuites ? Pourquoi nier l’évidence ? Pourquoi vouloir tromper si grossièrement l’opinion ? N’est-ce pas l’honneur de notre pays, et un témoignage de sa maturité politique, que le pouvoir ait aujourd’hui en face de lui une opposition éclairée, influente, qui lui donne souvent d’utiles conseils, et dont l’impulsion est bonne à suivre ? N’est-ce pas là un symptôme heureux, un gage de confiance dans l’avenir, un progrès de nos institutions ; les organes du gouvernement ne devraient-ils pas signaler ce progrès et en féliciter le pays, au lieu de sacrifier la vérité à des passions égoïstes ?

Les nouvelles du Maroc nous apprennent qu’Abderrhaman a enfin ratifié le traité du 18 mars. Toutefois, les anciens traités de commerce entre la France et le Maroc seront prochainement révisés ; cela veut-il dire que les clauses stipulées à Lalla-Maghrnia sur les relations commerciales ne seront pas maintenues ? C’est un fait qui n’est pas encore éclairci. On annonce qu’un envoyé extraordinaire de l’empereur viendra à Paris pour suivre les négociations.

Le traité du 29 mai relatif à l’abolition du droit de visite a donné lieu à de nouveaux débats de chaque côté du détroit. En France, tout le monde est