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bune anglaise, ce ne serait pas un bon moyen de resserrer l’union entre les deux peuples. Heureusement sir Robert Peel, dans sa réponse à lord Palmerston, a été mieux inspiré que son imprudent adversaire. Il a su respecter l’esprit public de notre pays ; il a justifié ses intentions. Tout son discours, quoique réservé, porte l’empreinte d’une disposition amicale à l’égard de la France. Nous voudrions que sir Robert Peel eût toujours tenu le même langage. Peut-être, il y a un an, avait-il les mêmes sentimens ; mais, à coup sûr, il ne savait pas les exprimer de la même manière.

On le voit, nous ne cherchons en aucune façon à dissimuler les succès récens du cabinet. On ne nous accusera pas de les amoindrir. Nous reconnaissons volontiers que la situation du ministère est modifiée depuis un mois. Jusque-là, ses fautes pesaient sur lui, Toléré plutôt que soutenu par une majorité douteuse et mécontente, quelquefois même désavoué par elle, objet de défiances qu’il ne pouvait calmer, d’inquiétudes qu’il ne pouvait dissiper, il avait marché d’échecs en échecs durant tout le cours de la session. Le pouvoir était devenu entre ses mains un fardeau trop lourd qui semblait toujours au moment de lui échapper. Deux négociations heureuses viennent de le raffermir, au moins temporairement. Il ne faut pas croire cependant que sa tâche soit finie, et qu’il n’ait plus qu’à se reposer dans la contemplation de sa gloire. Nous sommes forcés de le dire, au risque de troubler la joie de son triomphe, il lui reste encore bien des choses à faire pour mériter l’entière confiance des chambres et du pays.

En terminant l’affaire du droit de visite et la question des jésuites, le ministère du 29 octobre a réparé des fautes qu’il avait commises. Si M. Guizot n’avait pas signé la convention de 1841, condamnée par les chambres, la question du droit de visite n’aurait pas excité en France l’irritation que l’on a vue, peut-être même n’aurait-elle pas été soulevée. De même, si une sécurité aveugle et de funestes complaisances n’avaient pas encouragé dans l’origine les empiètemens du clergé, la question religieuse n’eût pas pris les proportions qui l’ont rendue si grave. Toutefois, nous le reconnaissons, c’est un mérite de savoir réparer ses fautes. Oublions donc le droit de visite et les jésuites ; mais que le ministère n’en reste point là, qu’il sorte du cercle étroit où il a renfermé jusqu’ici sa politique, qu’il trouve à la France une noble carrière digne de sa destinée et de ses souvenirs. Deux reproches ont toujours été adressés au cabinet : on a dit de lui qu’il n’avait pas le sentiment national et que sa politique était stérile. Ces reproches lui sont venus souvent de ses meilleurs amis ; qu’il cesse de les mériter. On a dit aussi que le ministère avait abaissé le pouvoir ; qu’il cherche maintenant à le relever, à lui rendre son ascendant nécessaire ; qu’il donne l’impulsion au lieu de la recevoir, qu’il dirige la majorité. Que, dans toute circonstance difficile, ce ne soient pas les chambres qui ordonnent et le gouvernement qui exécute. À ce prix, le ministère du 29 octobre regagnera dans le pays tout le terrain qu’il a perdu, et que ses derniers succès ne lui ont pas encore fait retrouver.