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Assurément, jamais un ministère n’a rencontré des circonstances plus favorables pour diriger la France dans les voies d’une politique glorieuse et féconde. L’intérieur est calme ; au dehors, les intentions sont bienveillantes. Le bon accord se rétablit entre l’Angleterre et la France, l’union des deux gouvernemens semble se resserrer plus étroitement. À quoi peut donc servir cette union, si ce n’est à faire réussir de grandes entreprises, dignes de l’esprit généreux des deux nations et du rang qu’elles tiennent dans le monde ? La difficulté du droit de visite résolue, combien n’y a-t-il pas d’autres questions où il serait utile de faire marcher de front la politique des deux pays pour garantir l’équilibre des grandes puissances, favoriser le développement des libertés constitutionnelles et assurer les progrès de l’humanité ! Serait-ce une chimère que de vouloir des garanties plus sûres contre l’ambition de la Russie en orient, une protection plus efficace pour les libertés de la Grèce, une intervention plus active et plus loyale pour réprimer l’anarchie sanglante du Liban, où de malheureux chrétiens, les amis de la France, les protégés de notre gouvernement, sont livrés sans défense à des ennemis fanatiques ; impitoyables, que la connivence des autorités turques encourage, et que l’administration insouciante du divan abandonne tranquillement à leurs fureurs ? Les dernières correspondances du Levant donnent sur cette déplorable guerre des détails qui font frémir. Les Druses exercent dans la montagne des barbaries atroces. Les chrétiens expirent dans les tortures. Les femmes, les enfans, sont massacrés. Les temples sont pillés et incendiés. Des villages entiers ont disparu. Un armistice a été conclu entre les parties belligérantes, mais il est violé par les Druses, qui ne reconnaissent que l’autorité de leurs chefs, plus puissans que les gouverneurs turcs chargés de les contenir. De leur côté, les chrétiens sont divisés, et cette désunion, que la Porte et la Russie n’ont jamais cessé de fomenter dans des intérêts divers, les rend inférieurs à leurs ennemis. Devant cette oppression barbare du faible par le fort, devant ces cruautés inouies, devant cette anarchie qui menace de se propager sur tous les points de la Syrie, la diplomatie européenne demeure impuissante. Ses représentations ne sont pas écoutées. Il est temps qu’elle agisse plus énergiquement. Si la France et l’Angleterre veulent vaincre les obstacles qui s’opposent, dans ces malheureuses contrées, au rétablissement de la justice et du droit, rien ne les empêchera de réussir.

De graves insultes ont été commises à Mexico contre plusieurs membres de la légation française. Le ministre de France, M. de Cyprey, a exigé satisfaction du gouvernement mexicain, et si ce dernier refuse les réparations demandées, toute relation diplomatique sera provisoirement suspendue entre les deux états. Nous concevons, du reste, que la France ne juge pas nécessaire de se montrer très exigeante envers un gouvernement incapable de maintenir l’ordre chez lui, de comprimer l’anarchie, de se défendre lui-même, à plus forte raison de faire comprendre à des populations sauvages le respect qui est dû à la personne d’un ambassadeur. Tous les jours, les