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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/381

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attentats commis contre la légation française se renouvellent à l’égard des envoyés des autres puissances. Voilà le gouvernement, voilà le pays dont les intérêts, soutenus par l’Angleterre, implorent notre protection dans la question du Texas. Peut-être M. le ministre des affaires étrangères regrettera-t-il un jour les paroles qu’il a prononcées à la chambre des députés sur cette question. Est-ce le Mexique, dans l’état de barbarie où l’ont replongé ses discordes civiles, dans son ignorance brutale, dans sa dépravation et sa faiblesse, qui pourra jamais devenir un élément sérieux de ce système que M. Guizot appelle l’équilibre du Nouveau-Monde ? C’est en vain que la diplomatie européenne voudrait enlacer aujourd’hui cette force exubérante, cette action conquérante et colonisatrice qui entraîne les États-Unis. La seule chose à faire est de régler ce mouvement au lieu de chercher à le comprimer. Qu’on l’arrête sur certains points, la justice le veut. Que l’on empêche des spoliations iniques, des envahissemens manifestes ; que l’on signale, par exemple, les prétentions sur la Nouvelle-Écosse et sur le Canada comme des témérités ridicules qui exposent les États-Unis au jugement sévère des nations civilisées, rien de mieux ; tout cela est parfaitement juste et mérité. Mais il y a pour les États-Unis des conquêtes en quelque sorte légitimes, qu’une politique prudente peut tolérer, car il serait tout-à-fait inutile de s’y opposer, attendu qu’on serait vaincu par une fatalité irrésistible. L’intérêt de la civilisation dans le Nouveau-Monde n’est-il pas d’abandonner les immenses plaines du Texas à la race aventureuse, intrépide, qui seule est en état de les cultiver, de les peupler, et d’y faire triompher l’homme contre la nature ? Le Mexique, dit-on, sera envahi à son tour. Nous n’y voyons pas grand mal, si le Mexique reste plongé dans cette barbarie qui fait de la plus belle contrée du monde un désert abandonné à des brigands. On craint le développement excessif de la puissance américaine. Nous ne partageons pas cette terreur. Quand le colosse touchera aux deux rives de l’Océan, nous avons peine à croire qu’il puisse long-temps s’appuyer sur une base assez solide pour se tenir debout. Son poids entraînera sa chute ; mais ses œuvres resteront.

La situation politique s’est de nouveau compliquée en Espagne. Des troubles sérieux ont éclaté en Catalogne au sujet de la quinta, sorte de conscription dont la principauté avait été jusqu’ici exempte, les ayuntamientos fournissant eux-mêmes directement le contingent d’hommes réclamé par le gouvernement de Madrid. À Esparraguera et en quelques autres villes si célèbres par leur exaltation dans ces dernières années, la population en est venue aux hostilités les plus violentes contre les autorités municipales. Un alcade et plusieurs agens de la force publique ont été mis à mort dans le premier moment de colère. On a songé ensuite à constituer une junte centrale au nom de l’ancien régent ; mais les troupes ont comprimé, ou, pour mieux dire, prévenu une telle manifestation, et les plus compromis d’entre les mécontens sont maintenant en fuite dans les montagnes de Girone et de Lérida. Le capitaine-général, don Manuel de la Coucha, s’est mis