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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/382

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lui-même en campagne à la tête de cinq bataillons pour en finir avec ces soulèvemens isolés, qui, d’une heure à l’autre, peuvent prendre le caractère d’une insurrection générale, et on annonce qu’il a dû s’enfermer dans Tarasa et attendre pour agir de nouveaux renforts. Ces nouvelles, qu’on ne peut accueillir qu’avec réserve, indiqueraient une situation fort grave. Pendant la guerre de sept ans, jamais un chef pouvant disposer de cinq bataillons n’eût été contraint de se retrancher dans un village ; il aurait librement tenu la campagne, quel que fût d’ailleurs le nombre et l’audace des ennemis. En quelle situation se trouverait donc le général Concha, si les populations l’avaient réduit à une défensive qu’à une si courte distance de Barcelone on ne gardait pas même vis-à-vis des plus hardis partisans de l’infant don Carlos !

Après cette espèce de pronunciamiento que vient de faire Esparraguera, on comprend sans peine que la reine n’aille point, cette année, prendre les bains de la Puda, aux environs de cette ville. Le 18, la cour doit se rendre en droite ligne à Sarragosse, et l’on espère encore que le cabinet abandonnera ce malheureux projet de voyage dans les provinces vascongades, contre lequel tout le monde s’est élevé en Espagne, même au sein du parti modéré. Les réelles inquiétudes suscitées dans le pays par les rumeurs et les polémiques de toute sorte dont le mariage de la jeune reine a déjà été l’objet exigent impérieusement le prompt retour des princesses à Madrid. C’est là une nécessité politique d’autant plus urgente que le gouvernement est hors d’état de donner sur ce point satisfaction à l’impatience publique. Vingt fois tranchée par les partis au gré de leurs espérances et de leurs ambitions, cette délicate question demeure encore, à vrai dire, insoluble ; pas de projet qui, l’instant d’après, ne paraisse impraticable ; pas de combinaison que ne viennent, comme à plaisir, déconcerter les évènemens. Il est aujourd’hui impossible de se livrer à la moindre conjecture dont on ne puisse démontrer demain la parfaite inopportunité nulle autre part, l’irrésolution n’est aussi grande ni aussi pénible qu’à Barcelone, au conseil des ministres, auprès de la reine. Le gouvernement de Madrid hésite entre les deux candidatures qui maintenant paraissent avoir le plus de chances, la candidature d’un prince de Cobourg et celle de don Enrique, duc de Séville, fils puîné de l’infant don Francisco de Paula. Le problème serait bientôt tranché sans doute, n’était l’intervention de la diplomatie européenne ; mais cette intervention est aujourd’hui si impérieuse et si inquiète, elle suscite des difficultés si graves et de si nombreux embarras, elle s’exerce enfin de telle manière, que la question, pour le moment, est devenue, nous le répétons insoluble, et que le cabinet de Madrid a dû, cette fois encore, prendre le parti de l’ajourner.

La session, terminée depuis quelques jours à la chambre des députés, va finir à la chambre des pairs. Nous n’avons pas besoin de dire que la tribune, dans ces derniers temps, a été d’un laconisme et d’une sobriété vrai-