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REVUE LITTERAIRE.


Le quatrième volume de l'Histoire dit Consulat et de l’Empire parait en ce moment. À la fin du troisième volume de ce grand ouvrage, M. Thiers avait laissé ses lecteurs en face des prospérités du consulat et des bienfaits de la paix générale. Comment cette paix si glorieusement conquise par le génie de la révolution française et de Bonaparte a-t-elle été troublée ? quelles furent les raisons qui ravivèrent l’inimitié un moment assoupie de l’Angleterre contre la France ? par quels moyens ces deux puissances se préparèrent-elles à une lutte nouvelle et formidable ? voilà ce que nous raconte aujourd’hui l’historien du consulat et de l’empire. La rupture de la paix d’Amiens forme le nœud de ce quatrième volume : à cet évènement principal viennent se rattacher la prépondérance exercée par le premier consul sur l’Allemagne, dont il fallait reconstituer les états secondaires et les petites principautés en vertu du traité de Lunéville, les affaires de la Suisse où deux partis s’agitaient avec violence, celui de la révolution et celui de l’ancien régime ; les négociations des deux cabinets de Londres et des Tuileries pour éviter une rupture funeste ; puis, quand la rupture a éclaté, les préparatifs immenses du premier consul pour frapper son ennemi au cœur : c’est le camp de Boulogne ; enfin une triste renaissance de complots à l’intérieur : c’est la conspiration de George, fomentée par les intrigues des princes émigrés, intrigues déplorables, car elles amenèrent la fatale catastrophe du duc d’Enghien. Tel est, pour ainsi parler, l’argument du quatrième volume de M. Thiers. En matière de récits historiques, nous ne connaissons rien de plus vaste et de plus simple : c’est que l’écrivain joint à la science approfondie des faits un art merveilleux qu’il doit à la puissance de la réflexion.

Quand le gouvernement anglais signa le traité d’Amiens, il avait le plus grand besoin de la paix : aussi la conclut-il avec empressement, et sans trop songer aux conséquences inévitables que devait amener la pacification du continent. Il était cependant facile de prévoir que la paix générale serait pour la France une source féconde de prospérités. Cette paix procurait à la France l’avantage de montrer à l’Europe qu’elle avait l’intention et la force de restaurer l’ordre social par la salutaire alliance des principes nouveaux avec ce que le passé avait d’indestructible et de nécessaire. Aussi l’Europe se tournait vers la France et son glorieux chef avec une déférence qui était presque de la sympathie. Nous parlons ici, non pas seulement des peuples, mais des gouvernemens eux-mêmes, qui ne pouvaient échapper à l’ascendant du premier consul. C’est ce qui fut sensible, quand il fallut régler les affaires de la Suisse et de l’Allemagne. « Par les traités de Campo-Formio et de Lunéville, dit M. Thiers, la rive gauche du Rhin était devenue notre propriété depuis le point où ce beau fleuve sort du territoire suisse, entre Bâle et Huningue,