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Discours, Rapports et Travaux inédits sur le Concordat, par Portalis, publiés par M. le vicomte Frédéric Portalis, conseiller à la cour royale de Paris[1]. — Parmi un très grand nombre de documens intéressans que renferme cette publication, deux grands morceaux méritent surtout d’attirer l’attention publique : le premier est le Discours sur l’organisation des Cultes, chef-d’œuvre de haute raison et d’intelligence politique, où sont établis sur des bases aussi larges que solides les rapports généraux de la société civile avec le pouvoir spirituel ; le second est l'Exposition des Maximes et des Règles consacrées par les Articles organiques du Concordat. Bien que le premier de ces documens soit depuis long-temps dans le domaine public, il importe qu’il soit remis sous les yeux de la génération qui s’élève, afin de l’éclairer sur des faits que l’esprit de parti s’efforce chaque jour d’altérer et d’obscurcir. Combien de jeunes esprits se laissent persuader que le concordat n’a été pour le premier consul que le calcul d’une politique égoïste, qu’un pur instrument de gouvernement et de despotisme, et que la France de 1802 se serait infiniment mieux accommodée de la liberté illimitée des cultes : Le discours de Portalis dissipe ces illusions, et démontre, par d’irrécusables témoignages, que le rétablissement de la religion catholique était alors un besoin universellement senti, et en quelque sorte le cri de toute la France. Qu’on lise les procès-verbaux des conseils généraux des départemens ; on y trouvera à chaque page des déclarations comme celles-ci : « Il est temps que les théories se taisent devant les faits. Point d’instruction sans éducation, sans morale et sans religion. » - « Les professeurs ont enseigné dans le désert, parce qu’on a proclamé imprudemment qu’il ne fallait jamais parler de religion dans les écoles. » - « L’instruction est nulle depuis dix ans : il faut prendre la religion pour base de l’éducation. » - « Les enfans sont livrés à l’oisiveté la plus dangereuse, au vagabondage le plus alarmant ; ils sont sans idée de la Divinité, sans notion du juste et de l’injuste. De là des mœurs farouches et barbares ; de là un peuple féroce. » Si le rétablissement du culte catholique pouvait seul mettre un terme à cette anarchie déplorable des idées morales et religieuses, il n’importait pas moins, dans cette alliance légitime et salutaire de l’état avec l’église, de conserver à l’état le caractère d’indépendance absolue et de souveraineté générale qui lui appartient, et de prendre des garanties efficaces contre le retour d’une domination désormais incompatible avec les idées et les mœurs de la nouvelle société. Ce fut là le grand objet des articles organiques, qui ont fait naître tant d’opinions contradictoires et de controverses passionnées.

On sait que des réclamations s’élevèrent dès la promulgation de ces fameux articles. Le pape lui-même, dans son allocution portant ratification du concordat, se réserva de faire des représentations sur quelques dispositions des articles organiques. Peu après, une note officielle du cardinal-légat dé-

  1. Chez Joubert, rue des Grés, 14.