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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/390

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calme et froid, qui n’est exempt d’aucune des passions et d’aucun des préjugés de son corps, mais qui s’attache à les déguiser sous les dehors d’une modération affectée et d’une impartialité hypocrite. M. l’abbé Dupanloup se propose ces trois questions : Sur qui pèse la responsabilité des querelles actuelles Quels sont les vœux du clergé en matière d’enseignement ? Comment peut-on donner à la jeunesse une éducation nationale ? Aucune de ces questions n’embarrasse le moins du monde M. le directeur du petit séminaire de Paris. C’est l’Université qui a cherché querelle au clergé ; c’est l’Université qui a écrit les pamphlets de M. Desgarets et les a fait approuver par plusieurs évêques ; ce sort les philosophes qui ont fondé l'Univers religieux pour rallumer au XIXe siècle les feux de la ligue ; ce sont eux aussi qui ont poussé la main de M. de Châlons et tenu la plume de M. de Bonald pour déclarer la guerre au concordat et aux lois du royaume. Quant au clergé, il ne demande que des libertés légitimes ; il ne veut ni monopole ni privilège pour ses séminaires ; il ne songe pas le moins du monde à lutter contre l’Université par la chaire et le confessionnal ; il ne refuse aucune des conditions légitimes de la liberté ; enfin, chose encore plus merveilleuse, il est seul capable de donner à la jeunesse française une éducation digne d’elle, digne de notre temps, digne des principes de la révolution. Il faut entendre ici M. l’abbé Dupanloup s’expliquer en docteur sur le véritable esprit de la révolution française, faire la leçon M. Thiers, qui, à son avis, est une manière de contre-révolutionnaire, et démontrer avec une gravité voisine de l’impertinence qu’il n’y a en France de véritable amour de la liberté que dans le clergé. Suivant M. Dupanloup, le culte de la liberté est héréditaire dans l’épiscopat français, et, pour en donner une preuve éclatante, sait-on quel personnage il s’avise de citer ? Bossuet. Oui, Bossuet devient entre les mains habiles de M. Dupanloup un libéral, c’est le nom qu’il lui donne, presque un révolutionnaire. En vérité, les hommes de génie sont sujets à de tristes mésaventures, et Bossuet, entre tous, a bien du malheur. Tandis que M. Michelet en fait un quiétiste, voir M. Dupanloup qui l’affuble du nom de libéral, sans parler de M. de Cormenin, qui ne veut voir en lui qu’un prélat courtisan, et de M. de Genoude, qui entend mettre les excentricités d’une politique décriée sous la protection de cette vénérable et glorieuse mémoire.

Nous ne dirions rien du style de M. Dupanloup, si son parti ne lui décernait pas unanimement la palme de l’éloquence et du bon goût. La justice nous force à dire que M. le supérieur du petit séminaire est un rhéteur de la plus médiocre espèce. Son style n’a pas même cette correction commune qu’on a le droit d’attendre de tout homme qui traite des matières sérieuses tantôt il nous parle de certaines ames qui se jettent au milieu des vagues (p. 249) ; tantôt du sol de la patrie sur lequel on sème le vent de l’impiété pour y recueillir les tempêtes (p. 259). Il est inutile d’insister sur ce grotesque fatras ; espérons seulement que les rhétoriciens du petit séminaire de Vaugirard n’imitent pas dans leurs pièces d’éloquence les exemples de M. leur supérieur.