Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Histoire de l’École d’Alexandrie, par M. Jules Simon ; deuxième et dernier volume[1]. — Ce volume est le complément de l’important travail que M. Jules Simon a entrepris sur la moins connue des grandes écoles de l’antiquité, travail dont la première partie a été dans ce recueil l’objet d’une appréciation étendue. Plein d’admiration pour le génie de Plotin, qui est le véritable père de la doctrine philosophique d’Alexandrie, et qui a fourni à ses successeurs, même à Proclus, toute la substance de leurs systèmes, M. Jules Simon avait consacré la plus grande partie de son premier volume à l’exposition approfondie du panthéisme mystique des Ennéades. Le volume qui vient d’être publié nous montre l’école d’Alexandrie sous un jour nouveau ; avec une science non moins exacte, il a plus de mouvement et de variété. Nous ne connaissions encore d’Alexandrie que ses spéculations abstraites ; M. Jules Simon nous montre aujourd’hui le rôle qu’elle a joué dans les grandes affaires du monde. Au temps de Plotin, il semble que l’école se prépare et s’arme en silence, dans l’attente d’un inévitable combat. Porphyre engage la bataille par son livre contre les chrétiens ; l’authenticité des Écritures, la divinité de Jésus-Christ, sont tour à tour l’objet de ses véhémentes attaques. Le Christ, à ses yeux, n’est qu’un sage, et le prophète Daniel n’a prédit qu’après coup. Jamblique va au-delà de Porphyre ; il ne veut pas seulement détruire le christianisme ; il aspire à le remplacer. Héritier de la pensée de Jamblique, enfant d’Athènes et d’Alexandrie, élève des Maxime et des Chrysanthe, ami de Libanius, Julien met au service de la philosophie, avec toutes les forces de l’empire, l’enthousiasme d’un sectaire et l’ame d’un héros ; mais le christianisme persécuté traverse en triomphant ce rapide orage, et accable à son tour Alexandrie du double poids de la puissance impériale et de la supériorité des idées. L’école décline avec Plutarque et Syrianus ; Proclus la relève un instant, mais sans pouvoir la sauver, et la vaste érudition de ce rare génie, un des plus brillans qu’Alexandrie ait produits, ne sert qu’à honorer sa chute.

Tel est le vaste et imposant tableau que M. Jules Simon déroule sous nos yeux. Autour des grands noms de l’école d’Alexandrie viennent se grouper des personnages moins illustres, mais qu’une histoire complète ne devait pas dédaigner : Origène, que l’on a souvent confondu avec le célèbre père de l’église de ce nom ; Longin, rhéteur et philosophe, plus connu par le Traité du Sublime, dont il n’est pas l’auteur, que par ses spéculations métaphysiques ; Amélius, élève de Plotin, rival de Porphyre, dont la doctrine, qui semblait perdue, est restituée par M. Jules Simon avec une rare sagacité.

Mais le principal intérêt de ce vaste récit se concentre naturellement sur les quatre personnages dont les noms marquent, après celui de Plotin, les phases successives de la destinée d’Alexandrie, je veux dire Porphyre, Jamblique, Julien et Proclus. Un caractère commun nous frappe dans ces génies

  1. Chez Joubert, rue des Grés, 14.