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y dévoue la jeunesse, naturellement portée, selon Fourier, à la malpropreté et au dévouement. Au reste, on court au travail avec l’impétuosité de l’instinct, on ferme l’Évangile, on cherche la richesse et non pas la vertu, et la vertu vient par surcroît. Telle est la possibilité morale garantie par le nombre du phalanstère.

L’or coule à flots de cette source enchantée de l’industrie attrayante. Pour le recueillir, Fourier coordonne une nouvelle série de possibilités économiques. Il est possible de conserver tous les avantages, moins les inconvéniens de la propriété ; le phalanstère est une commandite ; donc, sans blesser l’instinct des propriétaires, il augmentera les bénéfices de la propriété. Fourier veut, d’un autre côté, tous les avantages de la communauté. Donc, le phalanstère réunit tous les habitans dans un seul ménage, les nourrit par un seul restaurant ; une seule administration publique dirige l’agriculture et l’industrie. Ainsi la propriété et la communauté se donnent la main, et, en effet, tous les problèmes de l’économie politique sont résolus d’un seul coup, si on admet la combinaison des deux principes. La libre concurrence de tous les actionnaires, de tous les hommes, de tous les instincts, s’applique à la production ; la communauté s’empare de la circulation, et garantit ainsi les marchandises comme l’état garantit la monnaie ; c’est encore la communauté qui distribue les richesses, et, vouée à l’intérêt de tous, elle rétribue le capital, le travail et le talent avec la justice la plus rigoureuse. Plus de lutte entre la famille et l’état, entre le capital et le talent, entre la production et le commerce, entre le commerce et la consommation ; plus de répression, plus de gaspillage dans l’administration. Fourier suppute avec un aplomb admirable la baisse des prix, l’abondance naturelle ; mais l’agencement de tout les possibilités économiques repose toujours sur l’attrait, et le nombre reproduit son rhythme dans l’évaluation des bénéfices. Par un jeu de la décade, un sou vaudra 10 francs, une paire de bottes durera dix ans.

Après les possibilités morales, économiques, Fourier découvre dans l’éducation une nouvelle série de possibilités. L’industrie n’est plus qu’une fête continuelle ; on promène les enfans d’atelier en atelier, ils manient les outils, les vocations se manifestent, le génie se révèle par le travail attrayant s’élève par la concurrence à travers les groupes et les séries, et conquiert dans le monde la place qui lui est dévolue. Ici encore la puissance du nombre distribue les grands hommes. Dans le petit tourbillon de la commune sociétaire, le génie se multiplie par trois, autant de fois qu’il y a de sciences, d’arts et de travaux. Les 15,000 phalanstères de la France réorganisée contiendraient donc 45,000 Napoléons, 45,000 Newtons, 45,000 Talmas, et ainsi de suite. Ces hommes aujourd’hui sont perdus, l’harmonie sociétaire les produirait au grand jour.

La donnée du phalanstère une fois posée, le bonheur se propage par explosion, la civilisation est renversée. Comment résisterait-elle au spectacle entraînant du bonheur ? Fourier n’a qu’une seule appréhension, au reste très sérieuse, il craint que les hommes ne meurent de joie ; il veut éloigner les