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comme le globe, ont subi d’épouvantables submersions, et la pense aussi a, si j’ose dire, ses fossiles, que l’obligation de la critique est de classer et de recueillir.


II.

Quelques détails d’abord sur la vie de l’homme ; les œuvres de l’écrivain s’en trouveront sur plus d’un point éclairées[1].

De même que Salluste, Varron était né dans la Sabine, probablement à Réaté. Moins âgé de trois ans qu’Hortensias, et de dix ans que Cicéron, il vint jeune à Rome, et, selon la coutume du temps, alla perfectionner ses études à Athènes. Tout ce qu’on sait de ces obscurs commencemens, c’est qu’il reçut les leçons de plusieurs maîtres illustres : en Italie, le savant Élius Stilon[2], Ascalon en Grèce, furent ses professeurs ; quant à la philosophie, elle lui fut enseignée par un disciple célèbre du Portique, Antiochus. Son temps sans doute se passa bientôt entre le barreau et l’étude ; ce qui paraît certain, c’est que les poésies d’Ennius étaient dès-lors sa lecture favorite. Je ne m’en étonne pas, Ennius avait créé la satire : de la part du futur auteur des Ménippées, c’était là une prédilection naturelle. Un peu plus tard, on le trouve investi de fonctions publiques : il est tour à tour édile ou tribun, triumvir ou consul. Lui-même nous a appris que, dans ces magistratures diverses, il s’imposait comme un devoir inviolable de respecter toujours la liberté des personnes.

Jusque-là, l’histoire politique reste à peu près silencieuse sur Varron, dont les Ménippées avaient déjà paru à divers intervalles ; mais, en l’an 67 avant l’ère chrétienne, il servit sous Pompée, dans la guerre contre les pirates. On lui avait donné le commandement de la flotte des auxiliaires grecs : il combattit courageusement et sauta le premier sur un navire ennemi. Une forte somme d’argent et les honneurs de la couronne navale lui furent accordés comme récompense. Toutefois, en devenant soldat, Varron n’oublia point la science, qui, à vrai dire, fut la seule passion de sa vie : ainsi je trouve dans l’Histoire naturelle de Pline que, durant cette expédition même, il faisait des expériences sur l’eau de la mer Caspienne et projetait de jeter un pont sur je ne

  1. La plupart des textes relatifs à la biographie de Varron ont été savamment discutés par Schneider, au tome Ier de ses Scriptores rei rusticœ, page 217 à 240.
  2. Cicéron dit d’Elius : « C’est de lui que notre ami Varron reçut les élémens de cette science qu’il a si fort agrandie, et à laquelle son vaste génie et son savoir universel ont élevé de si beaux monumens. » (Brut., 16.)