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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/457

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d’une similitude de titre à un plagiat. Varron, à mon sens, n’a emprunté de Ménippe que le ton, que la liberté des allures ; il faut, sur cette originalité de son œuvre, s’en fier à Quintilien[1], dont les paroles sont décisives. L’ingénieux critique vient de parler d’Horace, et il continue ainsi : « Il y a une autre espèce de satire, et plus ancienne, que Terentius Varron, le plus savant des Romains, a créée, condidit, et qui consiste dans un mélange de vers et de prose. » A le bien prendre, les Ménippées furent donc une création. Si un doute pouvait subsister sur ce point, je citerais les remarquables paroles que Cicéron prête à Varron lui-même dans les Académiques : « Ces ouvrages, lui fait-il dire, où j’ai répandu, il y a bien long-temps, quelque gaieté comme imitateur et non comme traducteur de Ménippe, contiennent plusieurs choses tirées du fond de la philosophie et de la dialectique ; j’ai déterminé les moins instruits à me lire, en mettant ces idées à leur portée. » Outre qu’il a l’avantage de montrer comment Varron visait, dans ses satires, à rendre populaires les plus hautes doctrines, ce texte me parait être sans réplique ; il maintient au Romain sa part d’originalité, la meilleure part.

Nous venons de voir que, dans Cicéron, l’auteur des Ménippées disait lui-même que c’étaient là d’anciens ouvrages, veteribus nostris ; mais il faut observer que Varron, qui a vécu près d’un siècle, était bien vieux déjà quand son ami lui prêtait ce langage. Ce n’est donc point là une raison péremptoire de penser que ces compositions aient été une œuvre de la première jeunesse de Varron. En recueillant soigneusement certaines allusions à des faits dont l’époque peut être déterminée, le jeune et savant éditeur des Ménippées, M. Franz OEhler, arrive à préciser les temps divers où quelques-unes de ces pièces paraissent avoir été écrites. Selon lui, la date la plus ancienne est celle de 675 de Rome, la plus récente est celle de 694. Varron donc, depuis l’âge de trente ans environ jusqu’à celui de cinquante, aurait mis en tout une vingtaine d’années à publier ses satires, qui finalement furent réunies en un seul recueil, lequel était depuis très long-temps connu quand parurent les Académiques de Cicéron. Ce qu’il y a de sûr, c’est que ces Ménippées ne furent pas de simples

  1. X, 1. — Quintilien ajoute : « Cet écrivain, qui avait une connaissance approfondie de la langue latine et de toutes les antiquités grecques et romaines, a composé plusieurs autres ouvrages pleins d’érudition, mais dont la lecture est plus profitable à la science qu’à l’éloquence, plus scientiœ collaturus quam elogentioe. » C’est ce manque d’art et de raffinement qui fit négliger de bonne heure Varron : bientôt on exécuta peu de copies nouvelles de ses livres, qui se perdirent.