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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/460

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que lui-même regarde souvent comme inintelligibles, omni corruptelce foece coinquinata, ainsi qu’il le dit dans un latin qui pourrait être de meilleur goût ; ses corrections ne nous semblent pas toujours heureuses, et quelquefois la leçon reçue, la vulgate, si altérées qu’elles soient, donnent un meilleur sens. Néanmoins l’ouvrage de M. OEhler est très digne d’estime, et prouve une érudition fort patiente ; le texte, dans certains passages importans, est sorti amélioré des mains du savant éditeur : d’autres compléteront cette tâche. Je dois dire aussi que la plupart des questions chronologiques ou d’archéologie qui se rattachent aux Ménippées se trouvent éclaircies, dans la préface étendue de M. OEhler, avec perspicacité et entente. Quant à la valeur morale ou littéraire, quant au sens même des fragmens, M. OEhler s’en préoccupe beaucoup moins que des curiosités grammaticales : il, semble n’adresser son livre qu’aux philologues. Ses Ménippées pourtant, à l’aide de quelques indications sommaires, eussent pu désormais fournir aux lettrés tel renseignement curieux, tel passage piquant, que bien peu auront la patience d’aller tirer du sein de ce fatras de phrases tout-à-fait insignifiantes et de lambeaux sans intérêt. Il y a trente ans que M. Schoell, dans un livre qui jusqu’en ces dernières années a fait autorité chez nous[1], écrivait que le temps n’avait rien conservé des satires de Varron. Essayons rapidement de traduire et d’agencer quelques-uns de ces morceaux ignorés : peut-être est-ce la meilleure manière de donner un démenti à Scheell auprès du public français.

Un homme d’esprit, causant du procédé tout littéral de la moderne philologie, la comparait malignement aux hôtelleries espagnoles : vous arrivez affamé dans une auberge d’Aragon, on vous accueille à merveille, on vous offre aussitôt une place au feu et tous les ustensiles imaginables ; mais, si vous voulez manger, il vous faut d’abord courir par la ville et acheter en personne le menu de votre dîner. C’est un peu notre cas à l’égard de l’excellent livre de M. OEhler : tout en nous faisant son hôte, force nous est bien de le quitter souvent, et de ne revenir à lui que muni de nos provisions. Le jeu, avec Varron, n’est pas toujours aisé, et il serait même assez excusable de faillir, car déjà au second siècle les Ménippées fournissaient ample matière aux conjectures. Aulu-Gelle raconte même, à ce propos, une anecdote plaisante sur je ne sais quel pédant qui, dans la boutique d’un libraire de home, se vantait hautement de comprendre toutes les satires de

  1. Hist. De la littér. romaine, 1815, in-8o, t. 1, p. 281.