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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/474

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— C’est à la mémoire qu’il faut faire honneur de ce qu’on répète, à l’esprit de ce qu’on invente.
- Le diadème souverain rêvé par le sage, c’est la philosophie qui, contenue dans l’esprit, promet une récompense à l’esprit.
- Qui sait également toute chose ne sait rien.
- Veux-tu être riche ? ne t’ajoute rien en pensée, mais retranche aux autres.
- Le sage sait beaucoup de choses dont il n’a conversé avec personne.
- Apprendre est un héritage, inventer est un gain.
- Vous ne donnerez pas le nom de bon spéculateur à qui n’a pas augmenté son avoir ; je n’appellerai pas philosophe celui qui n’a rien découvert.
- Se faire gloire de ce qu’on a appris et non de ce qu’on a découvert est tout aussi insensé que le serait de tirer personnellement vanité d’un cerf qu’on aurait reçu d’un chasseur.
- On ne sait rien parfaitement.
- Il n’est pas pire de naître que de mourir.


Je m’arrête ; finir par des moralités, c’est rester fidèle à l’inspiration de Varron. Les Sentences inédites du manuscrit de Padoue ne font que marquer d’un trait de plus le caractère de cette physionomie de vieillard, à la fois souriante et sévère, qui déjà nous était connue. Ces mots sur la fortune qui sentent un vieux nocher fait aux tempêtes, cette passion pour la science qui semble toujours avivée par la jeunesse, ces sages conseils de l’expérience où se glisse de temps en temps une pointe de malice sans amertume, tout cela est bien de l’ami de Cicéron, de l’auteur à la fois aimable et grave du traité de l’Agriculture. Le buste de Varron est sous nos yeux, tel qu’on le voyait dans la galerie de Pollion.

Un cicéronien de la renaissance disait, dans son exclusive admiration d’érudit, que l’antiquité est pour nous autres modernes ce qu’étaient pour Lazare les débris de la table du riche. Certes, nous n’en sommes plus là ; mais pourtant on éprouve je ne sais quelle douce satisfaction à recueillir précieusement ces miettes éparses, et c’est un charme pour les plus délicats d’en goûter la saveur. Je voudrais être sûr, pour ma part, d’avoir fait sentir tout ce que Varron savait jeter de verve dans ses Ménippées, tout ce qu’il savait mettre de gravité forte dans ses Sentences.


CHARLES LABITTE.