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DU MYSTICISME.

Ici même, il y a quelques mois, nous avons combattu le scepticisme dans son représentant le plus redoutable[1]. Nous allons aujourd’hui porter nos études sur une autre plaie de l’esprit humain, sur un mal en apparence moins fâcheux que le scepticisme, mais qui, au fond, n’est pas moins dangereux.

Il nous importe d’autant plus de rompre ouvertement avec le mysticisme qu’il semble nous toucher de plus près, et que par un air de grandeur il peut séduire plus d’une ame d’élite, particulièrement à l’une de ces époques de lassitude, où, à la suite d’espérances excessives cruellement déçues, la raison humaine, ayant perdu la foi en sa propre puissance sans pouvoir perdre le besoin de Dieu, pour satisfaire ce besoin immortel, s’adresse à tout excepté à elle-même, et, faute de savoir s’élever à Dieu par la route légitime et dans la mesure qui lui a été permise, se jette hors du sens commun, et tente le nouveau, le chimérique, l’absurde même, pour atteindre à l’impossible.

Quand nous réfléchissons sur les forces et les lois qui animent et gouvernent la matière sans lui appartenir, ou sur les vérités universelles et nécessaires de l’ordre intellectuel et de l’ordre moral, que notre esprit découvre, mais qu’il ne fait pas, l’usage le moins systématique de la raison nous fait conclure naturellement des forces et des lois de

  1. Voyez dans la Revue des Deux Mondes, du 15 décembre 1844 et du 15 janvier 1845, deux articles intitulés : Du Scepticisme de Pascal.