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ne prendrons pas de telles promesses à la lettre. C’est entre les apologistes systématiques et les détracteurs aveugles que nous nous placerons pour saisir la vérité.

Par comparaison avec nos autres colonies américaines, on peut dire qu’en général la Guyane est un pays sain. Seulement, dans son abandon actuel, elle présente les inévitables inconvéniens de tous les lieux dépeuplés. Par exemple, la région des basses-terres, la seule qui soit occupée, est ordinairement détrempée par les pluies ; or, pendant la saison chaude, les lieux bas qui ne sont pas desséchés conservent des eaux stagnantes qui croupissent et exhalent un principe fiévreux. N’est-il pas évident qu’avec cet ensemble de travaux et de ressources, qui constituent la civilisation, on faciliterait l’écoulement des eaux pluviales, et qu’on préviendrait pendant les sécheresses la formation des marécages ? Dans l’intérieur du pays où les mêmes accidens n’ont pas lieu, la salubrité du climat n’a jamais été mise en doute. Quant à l’élévation de la température, elle peut être incommode pour les étrangers, mais non pas nuisible. Suivant la remarque sensée d’un voyageur, cette qualification de zone torride a été funeste aux contrées équatoriales ; il y a dans l’alliance de ces deux mots quelque chose qui donne à l’Européen l’idée d’une fournaise où on respire un air embrasé. Trop peu de personnes savent, dans les pays dits tempérés, que le degré de la chaleur est déterminé bien moins par la vertu calorifique du soleil que par la configuration des terrains et les phénomènes atmosphériques. A la Guyane, par exemple, plusieurs causes contribuent à atténuer l’ardeur solaire : l’atmosphère y est continuellement rafraîchie par les brises marines ou les vents de terre, par l’abondance des pluies ou la tiède évaporation des eaux. Le climat du midi de la France, pendant la saison d’été, peut donner une idée de la température ordinaire. La différence entre les deux pays consiste en ce que, sous l’équateur, l’été est perpétuel. Les plus grandes fluctuations du thermomètre n’y dépassent pas 20 degrés centigrades, tandis que chez nous il y a souvent une variation de 50 degrés, des ardeurs de la canicule aux jours froids de l’hiver. A Paris, la chaleur moyenne des mois de juin et juillet est de 24 degrés, et on signale certains jours pendant lesquels le thermomètre s’est élevé à 37 degrés ; ce dernier chiffre est à peu près pour Cayenne, comme pour Paris, celui de la chaleur la plus intense ; on se croit en hiver à la Guyane, quand le thermomètre s’abaisse à 20 degrés au-dessus de zéro. La moyenne entre ces deux termes indique donc une température ordinaire de 27 à 28 degrés centigrades, celle de nos plus beaux jours.