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qu’il a soulevées ; mais fût-il exclusivement réservé à l’église anglicane, les Gallois ne s’exécuteraient pas de meilleure grace, attendu qu’ils professent en majorité des cultes dissidens[1]. L’antipathie que fait naître la différence des races s’augmente ainsi par la différence des religions.

La nouvelle loi des pauvres, cette réforme qui, à défaut d’autres résultats, avait introduit une grande économie dans l’administration des secours publics en Angleterre, devait produire et a produit l’effet contraire dans les districts ruraux du pays de Galles. Là, sous le régime de l’ancien système, la taxe des pauvres était le plus souvent payée en nature : le fermier donnait des grains, du beurre ou tout autre produit agricole, que l’administrateur de la paroisse (overseer) distribuait ensuite aux pauvres, à la place d’une subvention en argent. Ceux-ci pouvaient en souffrir dans quelques circonstances ; mais le partage qui s’opérait ainsi entre ceux qui possédaient et ceux qui ne possédaient pas avait un caractère plus fraternel. La paroisse était une famille dont les libéralités, ne s’adressant qu’aux besoins réels, les soulageaient sans engendrer ni encourager la misère.

Le système actuel, rendant impératif le paiement de la taxe en argent, aggrave par cela même le poids de cet impôt ; comme il exige en outre la construction de bâtimens considérables pour les dépôts de mendicité et le salaire d’un état-major administratif, les dépenses des paroisses pour l’entretien des indigens devaient nécessairement s’accroître. En fait, il en coûte aujourd’hui 10 à 15 pour 100 de plus qu’en 1838 ; dans quelques paroisses, le nombre des pauvres de tout âge a doublé, et celui des pauvres valides a triplé. Le dépôt de mendicité de Carmarthen, qui ne renfermait que 91 indigens en 1839, en comptait déjà 327 en 1843 ; celui de Llannelly était remonté de 28 à 204, et celui de Cardiff, de 127 à 395.

En augmentant la misère dans le pays de Galles, la loi des pauvres a porté encore une grave atteinte à la moralité des habitans. On sait qu’aux termes de la vieille législation des paroisses, toute fille mère qui se disait enceinte des œuvres d’un homme était crue sur parole, et que le père putatif, si mieux il n’aimait épouser la mère, était tenu de fournir des alimens à l’enfant ; en cas de résistance ou de refus, les magistrats pouvaient ordonner la contrainte par corps. Cette coutume avait donné lieu à des abus inimaginables ; les jeunes filles, spéculant sur la protection dont la loi couvrait leurs désordres, se livraient

  1. « Il y a cent ans, les sectes dissidentes ne comptaient que 35 chapelles dans le pays de Galles ; en 1832, le nombre des chapelles était déjà de 1,428. »