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au premier venu, dans l’espoir d’obtenir, à défaut du mariage, une pension alimentaire ; les plus éhontées trafiquaient même de ce pouvoir de dénonciation, et levaient des contributions sur les jeunes gens en les menaçant, pour le cas où ils ne se rachèteraient pas du péril, de les désigner aux magistrats. En réprimant le scandale, la loi de 1835 n’a pas dérogé au principe des législations d’origine germanique qui admettent la recherche de la paternité ; mais elle a décidé, par voie d’atténuation, que tout enfant illégitime resterait à la charge de sa mère jusqu’à l’âge de seize ans, et que, dans le cas où la mère se trouverait hors d’état de l’entretenir, l’enfant retombant à la charge de la paroisse, les gardiens auraient le droit de sommer le père putatif de pourvoir à son entretien. Dans ce cas, le témoignage de la mère ne suffit plus ; il faut d’autres témoignages et des indices en quelque sorte matériels pour déterminer cette imputation de paternité. Si la paroisse peut toujours saisir les revenus ou le salaire du père putatif, comme gage de la pension alimentaire, elle n’est plus autorisée à faire usage de la contrainte par corps.

Cette réforme étrange, qui n’osait ni donner ni retirer à la pudeur de la femme la protection de la loi, avait d’abord réprimé en Angleterre le débordement des naissances illégitimes, qui reprend maintenant son cours ; mais elle a positivement échoué dans le pays de Galles, où elle a même eu pour effet d’introduire les abus qu’elle tenait ailleurs en échec. Parmi les Gallois, les rapports entre les jeunes gens et les jeunes filles avant le mariage résultaient des habitudes de la population et de la distribution intérieure des chaumières. Toute jeune fille débute par être servante de ferme ; or, dans les fermes, le grenier sert de dortoir commun aux journaliers des deux sexes, et ce rapprochement donnant de grandes facilités au désordre, une promesse de mariage a bientôt achevé la séduction. Sous l’empire de l’ancien système, la séduction entraînait presque toujours le mariage : le jeune homme, sachant que les suites devaient être à sa charge dans tous les cas, apprenait à contenir ses passions et à observer ses devoirs ; ou, quand il avait commis une faute, il s’empressait de la réparer, moitié par respect pour la décence publique, moitié par crainte de la loi. La jeune fille n’abusait pas, comme en Angleterre, de l’avantage de sa position légale, et il était rare qu’elle affirmât par serment le contraire de la vérité[1]. Les mariages se faisaient de bonne heure

  1. « Not one woman in ten thousand will take a false oath. » (Inquiry on South-Wales.)