Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/551

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y portent les fardeaux sur la tête, même aux plus grandes distances. » Notre Guyane, où l’élève des bestiaux ne coûterait que les frais de garde, tire néanmoins de l’extérieur des animaux pour l’abattage et pour le service. La pêche dans les rivières et sur les côtes est, dit-on, d’une miraculeuse abondance, ce qui n’a pas empêché d’introduire, en 1840, pour 175,000 francs de poissons salés. Au-delà des côtes, la colonie n’est plus qu’une immense forêt, et pourtant les colons demandent des bois à leurs voisins. La chasse devrait fournir la table des riches ; la pêche bien organisée donnerait lieu à un grand commerce de salaisons. Un des effets de l’émancipation des nègres sera de substituer aux alimens desséchés et malsains les viandes fraîches et succulentes auxquelles ils prendront goût. Les immenses savanes, les pâturages salés par les alluvions maritimes sont tellement négligés aujourd’hui, qu’il est nécessaire d’encourager par des primes le commerce de la boucherie. Les premiers spéculateurs qui aviseront d’utiliser ces riches déserts, à l’exemple des Brésiliens du Para, réaliseront de grandes fortunes. Le trafic des peaux, des plumes, des gommes, des plantes médicinales, qu’on pourrait acheter aux Indiens, la métallurgie, quand l’exploration du sol sera faite, la parfumerie, la distillerie, les conserves, dans un pays qui produit, avec le sucre et les essences, les plus belles fleurs et les plus beaux fruits, offriraient aux petits colons venus d’Europe les occupations les plus lucratives.

La compagnie doit borner ses vues aux grandes industries sollicitées par une consommation inépuisable : le tabac, le coton, les bois. Le tabac croît spontanément dans la zone équatoriale de l’Amérique du Sud. ; on le foule aux pieds dans les rues de Cayenne ; c’est une culture facile autant que productive. Pourquoi le tabac de notre Guyane, bien cultivé et bien préparé, ne vaudrait-il pas celui des contrées qui l’entourent, du Brésil, du Venezuela ou des Antilles ? Pourquoi la régie française ne demanderait-elle pas à la Guyane française une partie des 15 millions de kilogrammes qu’elle tire de l’étranger ? « Si, sous le rapport du prix de la main-d’œuvre et du nombre des travailleurs, dit Schomburgk, la Guyane anglaise pouvait rivaliser avec les États-Unis, elle produirait, en quantité illimitée, des cotons de qualité à soutenir la concurrence contre les meilleurs du monde. » Ce que le naturaliste anglais dit de Demerari et de Berbice est parfaitement applicable à notre colonie. Croirait-on qu’elle envoie pour oins de 400,000 fr. de coton à la métropole, qui en emploie pour 140 millions ? Quant à l’exploitation des bois, que les naturalistes et les ingénieurs ont toujours considérés comme la plus grande richesse