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opérations qui peuvent être faites mécaniquement, et surtout dans les transports. Une réforme économique, déjà éprouvée à la Guadeloupe, peut doubler le revenu des sucreries ; c’est le remplacement de tous les ateliers isolés, réduits à travailler avec un matériel vieilli et insuffisant, par quelques usines centrales, et la fabrication à la vapeur substituée aux procédés ruineux d’un autre âge.

Un autre ordre de spéculation sur lequel la compagnie compte beaucoup est le droit de revendre ou de sous-louer par petits lots les terres vacantes du domaine, en faisant toutefois participer le gouvernement au prix du contrat. Il entre dans les vues libérales de la compagnie de rendre la propriété accessible aux ouvriers noirs ou’ blancs. La facilité d’acquérir à bas prix un terrain préalablement défriché et assaini sera un motif d’émulation générale. En tous pays, la propriété est soumise à des servitudes : celle qu’auront à subir les acquéreurs sera l’interdiction de cultiver les vivres destinés à la race noire, à moins que ce ne soit pour les revendre en masse à la compagnie ; mais, nous le répétons, cette restriction n’a pas de gravité dans un pays spécialement consacré au commerce d’exportation, et d’ailleurs la mesure n’est qu’une précaution provisoire. A côté des plantations immenses, il y aura place pour la petite culture, pour l’industrie isolée et indépendante. Les propriétaires particuliers pourront vendre leur récolte à la compagnie ou la faire manipuler pour leur propre compte dans les usines centrales, comme font déjà les petits cultivateurs de nos Antilles : ce sera le mouvement de la concurrence, moins ses dangers.


V. – COLONISATION EUROPEENNE.

Jusqu’ici rien n’est livré au hasard : on ne compte, pour régénérer la Guyane, que sur les élémens qu’elle possède déjà ; ses 15,000 nègres acclimatés et rompus au travail suffisent pour assurer la prospérité commerciale de la compagnie. Cependant, après les beaux résultats que nous avons énumérés, il se présente une chance plus magnifique encore : c’est l’appel de la race blanche sous les tropiques, la colonisation européenne.

La possibilité de faire travailler les blancs sous les tropiques a été si souvent niée par les défenseurs imprudens des colons, qu’elle est aujourd’hui à l’état de problème. Si l’on se contentait de dire que l’entreprise est très difficile et très hasardeuse, nous serions des premiers à le reconnaître ; mais déclarer qu’il y a impossibilité physique, absolue, c’est fermer les yeux à l’évidence. La race blanche est douée