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et les marécages avaient disparu, et les blancs, au nombre d’environ 4,000, étaient établis dans une ville saine (le Môle-Saint-Nicolas), où chaque famille avait sa maison et ses cultures. Un peu plus tard, dans la même île, la garnison blanche fut employée à construire le fort du Port-au-Prince, et à tracer une route de 50 lieues marines à travers des marais, ou en perçant des montagnes. « Il a péri bien des soldats, vous le croyez ? dit, dans une pièce officielle, M. de Barbé-Marbois. Détrompez-vous ; il n’en est mort qu’un seul, oui, un seul, et encore est-ce l’éclat d’une mine qui l’a tué. » A la Guyane, dont le climat est beaucoup plus favorable à la garnison que celui des Antilles[1], les soldats conservent également bien leur santé, en fournissant plus de travail. « Voici un fait, dit M. Dumonteil, auquel nous n’aurions pu ajouter foi, s’il ne s’était passé sous nos yeux. Quinze soldats du bataillon de Guyane ont passé un marché pour extraire les roches nécessaires à la construction du palais de justice. La savane était leur seul atelier. Là, exposés, aux plus fortes chaleurs, ils travaillaient avec une activité inconcevable… Ils ont ainsi porté chacun leur gain journalier à plus de 18 francs, et ont donné à eux seuls plus d’ouvrage que n’en auraient fait pendant le même temps (plus de six mois) 60 bons nègres… Nous n’avons pas appris qu’aucun d’eux eût été indisposé. » Tout récemment, un autre officier, M. Laboria, a employé des blancs à l’exploitation de 20,000 mètres cubes de roches et aux plus rudes travaux de terrassemens. Le travail commençait à six heures du matin et finissait à quatre heures du soir, c’est-à-dire qu’il embrassait les heures les plus dangereuses. « Je n’ai pas perdu un seul des hommes employés à tailler la roche, dit M. Laboria, tandis que j’en ai perdu quatre dans un fort détaché, où les soldats restaient oisifs… Une compagnie de 100 nègres yolofs fut ajoutée aux travailleurs blancs ; ceux-ci faisaient le double de la besogne des nègres, qui cependant étaient tous des hommes d’élite. » Enfin, M. Louis Bernard, ancien général d’artillerie, et aujourd’hui propriétaire à la Guyane, déclare dans une publication récente que trois laboureurs originaires du midi travaillent sur ses terres sans le moindre inconvénient pour leur santé, et que ces hommes font chaque jour, au moyen de la charrue, autant de besogne que 35 nègres labourant à la main.

Nous tenions à prouver que l’emploi des Européens sous la zone

  1. D’après un relevé qui embrasse vingt années (1818-38), la mortalité dans la garnison blanche est aux Antilles de 1 sur 10, et à Cayenne de 1 sur 31 seulement. Un poste de Français établi en 1836 sur un îlot du lac Mapa ne perdit pas un seul homme pendant neuf mois.