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contre la chaleur ? Ainsi, dans le problème qui nous occupe, celui du travail européen, les plus simples inventions pourraient écarter jusqu’à l’apparence du danger. Des vêtemens propres à empêcher la répercussion de la sueur, des tissus légers comme ceux des Chinois qui préservent de la chaleur et de l’humidité, un large chapeau ombrageant le corps sans échauffer la tête, seraient très salutaires. On a déjà eu l’idée de faire avec des lianes entrelacées des tissus de feuillages, des espèces de toiles qui pourraient être étendues avec des perches au-dessus des plantations, de manière à ce que le laboureur transportât, pour ainsi dire, l’ombre avec lui. Si plus tard la vapeur facilite la locomotion, on fera en sorte que les défricheurs ne passent plus la nuit sur le sol qu’ils auront fouillé pendant le jour[1]. Au surplus, si la compagnie de la Guyane française renouvelle un essai de colonisation européenne, jamais l’expérience n’aura été tentée en des circonstances aussi favorables. Les colons seront recrutés par le comité siégeant à Paris, non pas parmi les gens sans aveu et sans ressources, mais au moyen d’un appel fait aux familles laborieuses, munies déjà d’un petit capital. Les établissemens auront lieu par village, lorsqu’un emplacement aura été convenablement préparé. Au lieu d’être lâchés dans un désert, comme un troupeau sans maître, les nouveau-venus entreront dans les cadres d’une société unie d’intérêts, où ils trouveront, avec l’appui du pouvoir, les conseils et la bienveillance des colons associés. Nous le répétons, la colonisation blanche n’est pas nécessaire au succès de l’entreprise ; elle n’en est que l’accessoire. Si pourtant des espérances qu’il est permis de concevoir devaient se réaliser, si le génie européen triomphait une bonne fois de l’inertie et de la routine, quel avenir pour les contrées équatoriales ! Quelle fortune pour la France qu’un domaine comme la Guyane ! Les destinées qu’on entrevoit alors pour cette colonie sont si brillantes qu’on n’ose pas y croire ; on se défend de l’enthousiasme comme d’une trompeuse illusion.


Pour résumer nos impressions sur l’ensemble de l’entreprise, nous ajouterons qu’elle nous semble offrir des gages à tous les intérêts, au

  1. Nous avons remarqué un chapitre spécial sur l’acclimatement des Européens dans un livre intitulé : Du Climat et des Maladies du Brésil, par M. Sigaud, médecin français attaché à l’empereur du Brésil. La place nous a manqué pour les emprunts que nous aurions voulu faire à cet excellent travail, et nous le regrettons, d’autant plus, que, publié depuis un an à peine, il est déjà épuisé.