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Et ailleurs :

« A ceux qui n’ont pas vu monter si loin dans l’air
La flèche de Saint-Pol, s’écria la jeune Anne,
Je dirai poliment : Oh ! vous êtes un âne ! »

C’est tomber dans le trivial en cherchant le naïf. — Je conseille à l’auteur de retrancher, à la première occasion, la peinture qu’il fait du mal de mer en deux endroits du huitième chant. Il aurait tort de se croire justifié par ce vers du maître :

Et salsos rident revomentem pectore fluctus.


Virgile est resté, ici comme toujours, dans cette mesure parfaite qui est sa gloire et son génie.

Les tableaux de M. Brizeux sont habituellement d’une si grande exactitude, qu’un peintre pourrait aisément les reproduire. Un seul m’a complètement dérouté et paru impossible. Lors de l’agonie du fermier Hoël, le recteur du bourg se présente pour lui donner l’extrême-onction :

Quand la porte s’ouvrit, la famille en prière
Se leva ; le vieux prêtre, à ce morne salut,
Comme pressé d’agir, monta sur le bahut.

Je ne puis m’expliquer ce mouvement du prêtre qu’en supposant que les bahuts de Bretagne sont pourvus d’une petite marche sur laquelle le recteur se serait placé pour exhorter le mourant avec plus d’autorité. Si cette conjecture est juste, l’image alors ne serait pas fausse, comme elle en a l’air, mais elle serait incomplètement exprimée.

Un aussi petit nombre de taches, et pour la plupart aussi peu graves, dans un volume de cinq ou six mille vers, attestent les soins assidus du poète, et confirment tous les éloges que nous avons donnés à son habileté et à son talent. Hélas ! ils sont rares aujourd’hui, bien rares ! les ouvrages où les fautes soient assez peu nombreuses pour qu’on les note et qu’on les discute. Depuis quelque temps, on répète sur tous les tons que la critique n’existe plus, qu’elle abdique sa haute mission de surveillance et de conseils ; qu’elle se rend complice, par ses réclames ou par son silence, de tous les déportemens dont nous sommes témoins. Ces plaintes sont-elles bien justes ? Mon Dieu ! ce n’est pas la critique qui fait défaut à l’art ; c’est bien plutôt l’art qui fait défaut à la critique, Où sont-elles, je vous prie, les œuvres sérieuses (dramatiques ou poétiques) qui méritaient une discussion délicate ou appro-