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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/58

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mouvement et la vie qui animent l’Angleterre. Sans parler de l’activité qui s’est communiquée au travail des mines et des forges, les capitalistes anglais demandent à construire deux grandes lignes de chemin de fer à travers le pays de Galles, dont l’une joindrait Birmingham au port de Holyhead, dans l’île d’Anglesey, le point de la côte qui est le plus rapproché de l’Irlande, et dont l’autre, se rejetant vers la côte méridionale, irait du comté de Glocester à la baie de Swansea. Ces projets gigantesques, en y joignant les embranchemens déjà proposés, exigeront une dépense de 220 à 225 millions de francs. Les capitalistes et les ingénieurs de la race saxonne envahissent ainsi le pays de Galles ; cette contrée, déjà conquise, va être enfin exploitée.

Mais les Saxons auront beau pénétrer dans les solitudes que Rébecca ne trouble plus par le bruit de ses expéditions nocturnes, les opinions démocratiques éveillées par l’oppression ne s’éteindront pas désormais. On peut en juger par le ton des pétitions adressées à la chambre des communes. Entre autres demandes de ce peuple, il en est deux qui vont directement contre la nature et contre les tendances du gouvernement britannique. Les Gallois voudraient remplacer la magistrature gratuite, qui juge leurs différends, qui les ruine en épices (fees) et dont la morgue les révolte, par des magistrats salariés et électifs : c’est l’organisation des justices de paix décrétée par l’assemblée constituante ; mais quoi de plus antipathique à la constitution de l’Angleterre et aux traditions fondamentales de l’aristocratie ?

Un autre vœu, que l’on concilierait plus difficilement avec les droits de la propriété, est celui de voir confier à des assesseurs librement élus le soin de régler équitablement pour chaque ferme le taux de la rente à payer au maître du sol. Ce plan a quelques points communs avec la fixité de tenure, qui est à l’ordre du jour en Irlande. Il ne tend à rien moins qu’à dépouiller les propriétaires de la libre disposition de leur chose, et qu’à convertir les fermiers en usufruitiers des domaines occupés par eux. C’est encore l’expropriation sous une autre forme, car il n’y a plus de propriété le jour où celui qui possède doit soumettre à la décision d’un arbitre, quel qu’il soit, les termes de l’exploitation et le taux de son revenu. Pour peu que de pareilles idées aient pris racine dans les esprits, tout arrangement n’aura qu’une durée provisoire. Les désordres de 1843 ont pu cesser et l’agitation s’apaiser pour un temps ; mais le feu d’une révolution sociale couve sous la cendre et en jaillira certainement quelque jour.