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çais qui reviennent sans cesse sur l’évènement du Dahra, et qui en font l’objet des récriminations les plus violentes contre l’armée d’Afrique, nous admirons le courage et la persévérance qu’ils déploient dans ce triste rôle d’accusateurs publics instruisant le procès de leur patrie. Puisque ce rôle est déjà rempli par les feuilles anglaises, qui s’en acquittent si bien, ne vaudrait-il pas mieux le leur laisser ? Qu’on songe au déplorable effet que ces accusations peuvent produire sur le moral d’une armée dont le courage a besoin des excitations de la métropole pour se soutenir. Ayons de l’indulgence ou plutôt de la justice pour cette brave armée qui soutient l’honneur de notre drapeau, qui fait respecter notre gouvernement malgré ses faiblesses, et qui entoure d’un rayon de gloire les fleurons de notre couronne pacifique. Lorsque les dernières nouvelles d’Algérie nous apprennent la rentrée d’Abd-el-Kader dans le Maroc et les préparatifs d’une expédition contre les Kabyles, le moment serait mal choisi pour continuer l’enquête sur la déplorable affaire du Dahra ; il serait plus généreux et plus utile de réveiller le souvenir de la bataille d’Isly.

On parle encore des élections. Les bruits les plus contradictoires circulent toujours sur ce sujet. Bien des gens supposent que le ministère, enhardi par deux succès diplomatiques, voudra tenter la fortune électorale, dans l’espoir de trouver au scrutin une majorité forte et dévouée. Cependant, l’opinion générale est que les élections n’auront pas lieu, soit qu’une volonté auguste ait jugé plus convenable de les ajourner à l’année prochaine ou à deux ans, soit qu’en réalité le ministère n’ait pas cette confiance qu’on lui suppose, et que le jugement électoral lui inspire encore quelque crainte. En effet, si nous sommes bien informés, les rapports que le ministère reçoit en ce moment sur les dispositions des collèges n’ont pas répondu à ses espérances. — Sur beaucoup de points, la situation morale du pays ne s’est pas modifiée. Les négociations de M. Rossi et de M. de Broglie, considérées comme une victoire due à la fermeté persévérante de l’opposition modérée, et comme un démenti donné par le succès à la politique antérieure du ministère, n’ont pas créé à ce dernier de nouveaux partisans ; ses adversaires ne sont pas désarmés ; ils conservent leurs préventions et leurs défiances. — Quoi qu’il en soit, les partis se préparent, comme si la lutte devait avoir lieu. Deux comités de l’opposition ont publié leurs circulaires aux électeurs. Celle du centre gauche est remarquable par la modération du langage et des principes. D’un autre côté, les journaux du cabinet lui prodiguent des éloges qu’il faut avoir la patience de lire, si l’on veut savoir jusqu’où peuvent aller les excès de l’enthousiasme ministériel. — On parle des humiliations et des défaites du ministère ! mais il n’a jamais été battu ; il a marché de triomphes en triomphes ; sa politique a toujours réussi ; au dehors, toutes ses entreprises, toutes ses négociations ont été couronnées de succès ; au dedans, tous ses projets de loi ont passé ; la majorité, confiante et soumise, a toujours reconnu son ascendant ; elle a toujours suivi, sans hésiter, la voie qu’il lui traçait. Le ministère du 29 octobre a terrassé l’opposition ; il a triomphé par