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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/588

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eu lieu quelquefois de nous repentir en Afrique, et dont il nous est difficile apparemment de nous corriger, car il s’en est peu fallu, par exemple, que, malgré l’échec essuyé, quelques mois auparavant, les leçons de la sagesse ne fussent vaines encore une fois, et que, faute de moyens d’attaque suffisans, Constantine ne bravât victorieusement nos efforts en 1837. Si M. le maréchal Valée, dans le conseil tenu au camp de Medjez-el-Hammar, n’avait pas insisté pour emmener notre grand parc de siège, on aurait probablement laissé derrière soi ce lourd attirail, si gênant à transporter. Or, jamais nous n’eussions démoli la courtine de la porte El-Gharbia avec du calibre inférieur à du vingt-quatre, et sans la brèche que nos grosses pièces y ont pratiquée à cent cinquante mètres de distance, je ne sais pas trop ce qui serait advenu.

C’était donc une rude tâche, au dire des plus experts, et une opération pour le moins intéressante suivant les autres, que le siège de cette ville, si bien défendue par la nature et ses murailles romaines ; c’était d’ailleurs une nécessité d’amour-propre pour nous que de nous emparer de ce nid de vautours qui déjà une fois, du haut de ses rochers, avait défié la valeur de nos soldats. Si ce qu’on racontait de la position de Constantine, de son aspect fantastique, des antiquités qu’elle contenait, de son pont gigantesque sur le Rummel, et de ses affreux précipices, était de nature à piquer la curiosité d’un voyageur, il y avait le plus grand intérêt aussi pour un militaire à faire partie du corps expéditionnaire destiné à aller prendre une éclatante revanche sur les Kabyles du bey Achmet. Aussi désirai-je vivement me joindre à l’armée qu’on réunissait dans ce but ; mais les demandes étaient nombreuses, et quoique je me fusse inscrit depuis long-temps, je craignais de ne pas réussir. Heureusement, le 5e régiment de hussards, où j’étais capitaine alors, se trouvait au camp réuni devant Compiègne, lorsque la campagne fut définitivement résolue. J’appris un des premiers que M. le duc de Nemours y avait un commandement ; je me rendis au château, et j’obtins du prince la faveur de faire la campagne projetée dans son état-major, en qualité d’officier d’ordonnance détaché de mon régiment.

Le 5 septembre, nous partions de Paris, et le 10 nous arrivions à Toulon ; le 12, nous nous embarquions sur le Phare, et le 14 à minuit nous jetions l’ancre en rade de Bône. L’état-major du prince était composé de M. le colonel Boyer, son aide-de-camp, chef d’état-major ; de M. le comte de Chabannes, lieutenant-colonel ; de M. le baron