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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/589

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Damas, chef d’escadron, aide-de-camp du roi ; du capitaine d’Iliers, de M. Batidens, chirurgien-major ; et de moi.

L’aspect de la rade de Bône est des plus pittoresques. Nous avions mouillé pendant la nuit, et à la pointe du jour, nous étions sur le pont, à jouir de la vue magnifique qui s’offrait à nos regards. La côte d’Afrique, dans cette partie, depuis le cap de Fer (Raz-el-Hadid) jusqu’au rocher du Lion, qui s’avance à l’entrée de la rade, est accidentée et pleine d’ondulations. La mer baigne des montagnes de formes gracieuses et un peu arrondies, que recouvre jusqu’à leurs sommets la plus vigoureuse végétation. Je ne trouvais pas là cette nature aride et désolée que je m’attendais à rencontrer sur les rivages africains. Au lieu de rochers calcinés par le soleil et de plages sablonneuses, ce n’étaient partout que des lentisques, des chênes dont la verdure sombre se mariait agréablement avec les cactus, les oliviers et les lauriers-roses. Rien de plus épais que les herbes, rien de plus touffu que les buissons qui croissent sur le sol de ces collines. A notre droite et au pied des ruines de la kasbah, détruite quelques mois auparavant par l’explosion de sa poudrière, brillaient sur une pente de gazon les blanches tentes du 17e léger. Nous avions devant nous le fort Cigogne, les murailles et les minarets de la ville, puis, autour de notre navire, de sveltes et légères embarcations montées par des Maltais qui s’empressaient de nous offrir leurs services.

A cinq heures, le commandant du port vint prendre les ordres du prince. On débarqua à huit heures. Toutes les autorités, les troupes de la garnison et la population de Bône nous attendaient sur la jetée et sur le rivage, le général Trézel en tête. C’est dans sa maison que M. le duc de Nemours se rendit, et qu’il demeura pendant son séjour à Bône. Il y reçut aussitôt après son arrivée les fonctionnaires de la localité et les corps d’officiers de la garnison.

Les affaires, que nous croyions tout-à-fait pacifiques, étaient au contraire à la guerre ; nous apprîmes qu’il y avait eu la veille un engagement sérieux entre les troupes du camp de Medjez-el-Hammar, où se trouvait le gouverneur-général, et Ben-Aïssa, agha d’Achmet, campé à trois lieues de là, car toute la journée le canon et la fusillade s’étaient fait entendre. Ainsi donc, il paraissait que notre campagne n’avorterait pas, et que le bey de Constantine n’était pas disposé, comme nous le craignions, à nous faire des avances.

Je cherchai dès cette première journée à me monter, et je fus assez heureux pour y réussir passablement. Il me fallut néanmoins quelque