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beaucoup préférable aux voitures dans un pays où l’on ne rencontre pas de chemins frayés, et où le sol, presque toujours montagneux, est sillonné de ravins profonds et peu praticables.

Le choléra ayant éclaté au fort Génois, à Bône, parmi les hommes du 12e de ligne, et un des bataillons du 26e, retenu par les vents contraires, ne nous ayant pas rejoints, nous fûmes obligés d’envoyer à Toulon M. de Sarlat, capitaine de corvette, avec le Phare et l’Achéron, bateaux à vapeur de la marine royale, pour y aller chercher le 12e léger. On voulait d’abord faire venir de l’infanterie d’Oran ; mais on abandonna ce projet sur l’observation des officiers de marine, qui affirmèrent qu’il faudrait au moins vingt-cinq jours pour ce voyage. Cette diminution de 3,000 hommes dans l’effectif de notre petite armée n’était pas sans importance ; elle changeait, en effet, nos plans de campagne. Il avait été question d’abord de choisir le camp de Medjez-el-Hammar comme base de nos opérations ; c’était de là qu’après avoir mis le siége devant Constantine, nous devions tirer tous nos approvisionnemens ; les convois entre le camp et l’armée assiégeante auraient été escortés par 2 ou 3,000 hommes, qui étaient au moins nécessaires pour les protéger, pendant l’espace de quinze lieues environ, contre la nombreuse cavalerie d’Achmet. La diminution inattendue de nos forces disponibles, que l’époque avancée de la saison rendait irréparable, nous ôtait la faculté de prélever sur notre corps expéditionnaire le nombre de bataillons indispensables pour assurer nos communications. Il fallut donc emporter avec nous tout notre matériel, sans espoir de pouvoir le renouveler ; en un mot, pour me servir d’une expression de chasse, nous attaquions Constantine sans relais, et de meute à mort.

La campagne projetée devait être entreprise après les chaleurs et avant la saison des pluies, qui, dans les hautes régions où nous avions à opérer, se changent toujours en neige vers la fin de septembre. Pour avoir commencé trop tard l’année précédente, le corps d’armée du maréchal Clauzel avait eu cruellement à souffrir de l’abaissement de la température et du débordement des ruisseaux ; un assez grand nombre de soldats étaient morts de froid dans les vallées de Raz-Zenati. D’autre part, en s’aventurant trop tôt dans ces contrées privées de sources et de puits, on était exposé à manquer d’eau ; car, après avoir dépassé les camps, il ne fallait s’attendre à en trouver que dans le lit des torrens.

Suivant le général Valée, qui commandait en chef l’artillerie, les approvisionnemens auraient été mal calculés, de telle façon que, dans