Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/597

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le cas où les pluies nous eussent forcés à séjourner entre Medjez-el-Hammar et Constantine, dans des vallées dont le sol argileux devient en peu d’heures impraticable lorsqu’il est détrempé par l’eau du ciel, nous eussions consommé nos munitions sur place ; ce qui ne pouvait manquer de compromettre d’une manière grave le succès de notre expédition. Il y avait, comme on voit, malgré les précautions prises, une large part faite au hasard, et cette incertitude rendait pour nous la campagne plus intéressante encore. Nous n’avions en partant qu’une idée confuse de la résistance effective que la ville de Constantine pouvait nous opposer ; les difficultés auxquelles nous nous attendions devaient se rencontrer en chemin. Or, c’est juste le contraire qui arriva, car le temps fut fort beau pendant toute la route.

Notre petite armée se mit en mouvement le mardi 26 septembre, à sept heures du matin. M. le duc de Nemours marchait en tête de la colonne, ayant sous ses ordres l’avant-garde, ainsi composée : 8 escadrons des 1er  et 3e chasseurs d’Afrique, les spahis, à peu près 2 escadrons, 1 bataillon de zouaves, 1 bataillon du 2e, 2 bataillons du 17e léger, et une batterie de campagne ; en tout 2,000 hommes d’infanterie et 1,200 chevaux. Le temps était magnifique, la chaleur extrême. J’ai presque toujours trouvé en Afrique l’air plus étouffant et la température plus élevée le matin que pendant le reste du jour. Cet effet tient peut-être à ce qu’après les fraîcheurs de la nuit on est plus sensible aux premiers rayons de ce soleil si pénétrant, qui brûle presque aussitôt qu’il a paru sur l’horizon.

A onze heures, nous étions arrivés au camp de Dréan, après avoir fait vingt-deux kilomètres à travers une vaste plaine couverte d’herbes hautes et sèches qu’entoure un cordon de montagnes élevées. On nous montra le point culminant de la chaîne, nommé le Raz-el-Akba, ce col situé au-dessus de Medjez-el-Hammar, et où l’armée aurait à passer en marchant sur Constantine ; c’était notre Petit-Saint-Bernard, et l’ennemi, disait-on, devait nous y attendre dans de bonnes positions.

Le camp de Dréan occupe le sommet d’une colline assez élevée, d’où l’on aperçoit la mer au nord, et l’immense lac Fezzara à l’ouest. Entouré d’un épaulement avec un large fossé, il est dans une position avantageuse, bien que l’eau en soit trop éloignée. Nous y fîmes une halte de quelques heures et nous y déjeunâmes. J’y trouvai MM. de Falbe, ancien consul de Danemark à Athènes, archéologue distingué, et le colonel Temple, voyageur anglais, accrédités auprès de l’expédition par notre gouvernement en raison de la nature de leurs recherches