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et surtout de l’époque de leur demande[1]. En ce moment, plus de cent étrangers réunis à Toulon y étaient éconduits par le préfet maritime, qui, en exécution des ordres ministériels, leur avait refusé la permission de se joindre à l’armée ; dans un pays dénué de ressources comme celui où nous opérions, la prudence ordonnait de tout calculer et de ne pas s’embarrasser de bouches inutiles. MM. de Falbe et Temple étaient porteurs de bons instrumens et faisaient des expériences délicates ; ils s’occupaient de recherches physiques, mais ils ne pouvaient pas s’éloigner de la ligne suivie par nos colonnes, sous peine d’être enlevés par les Arabes.

Après une halte de deux heures, nous nous remîmes en mouvement. Le pays, de Dréan au camp de Nechmeya, offre un aspect nouveau ; les vallées se resserrent ; on y remarque une végétation plus abondante, d’épais lentisques, des palmiers nains et des oliviers sauvages. Tous ces arbustes croissent et se développent dans le sens horizontal ; ils ne s’élèvent généralement pas à une hauteur de plus de deux ou trois mètres. Cela tient à la manière dont les Arabes des tribus voisines préparent leurs terres pour la culture : ils commencent par mettre le feu aux chardons et aux mauvaises herbes, pour les faire disparaître et détruire en même temps les reptiles et autres animaux malfaisans ; ce feu gagne de proche en proche avec une effrayante rapidité, et ses ravages, qui s’étendent toujours très loin, atteignent surtout les plantes qui s’élèvent à une certaine hauteur : aussi voit-on les branches de tous les arbres qui ont plus de cinq à six pieds étendre tristement leurs rameaux noircis et à moitié consumés au-dessus des épais buissons qui les entourent.

A peu de distance de Dréan se dressent de beaux rochers nommés rochers des Lions, à cause de la quantité de ces animaux répandus aux environs. Tout ce pays est très giboyeux, et en suivant parallèlement la colonne, au milieu des fourrés, je fis partir beaucoup de grosses bartavelles sous les pieds de mon cheval.

Les hommes souffraient beaucoup de la chaleur, qui était très forte ; quand nous avançâmes dans la région des montagnes, la température devint de plus en plus supportable. Nous marchions avec M. le général Valée, ses aides-de-camp, et son gendre, M. de Salle, capitaine d’état-major, le général Trézel et ses officiers, MM. de Lagondie, de Cicé

  1. Il y avait en outre, si je ne me trompe, cinq ou six officiers étrangers à l’état-major.