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murs en pierre derrière lesquels nos soldats les attendaient. Nous suivions avec un vif intérêt ce combat du haut du Mansourah ; deux fois nous vîmes nos hommes, officiers en tête, enjamber leurs retranchemens et prendre l’offensive ; alors cette multitude couverte de vêtemens blancs se repliait du côté de la ville avec de grands cris, pour revenir plus résolument à la charge aussitôt que notre infanterie rentrait dans ses lignes. Nous leur envoyâmes quelques boulets qui ricochèrent au milieu d’eux, mais sans atteindre personne. Cet engagement dura à peu près une heure, et nous y perdîmes deux officiers du 26e régiment.

Tous les jours les Arabes faisaient une sortie à la même heure, tantôt contre le Mansourah, tantôt contre nos positions de Coudiad-Aty. Ils accouraient à nous avec une très grande résolution ; mais ils étaient déconcertés par nos charges à la baïonnette, et ils mettaient plus d’empressement à s’y soustraire qu’ils n’en avaient montré à nous attaquer.

Le temps se couvrit pendant la nuit ; la pluie commença à tomber de bonne heure, et bientôt des raffales épouvantables vinrent fouetter, ébranler, transpercer notre pauvre tente ; nous nagions dans l’eau ; le sol de notre mince abri s’était converti en un torrent qui entraînait, malgré nos efforts, toute notre garde-robe ; notre position était des plus ridicules et des plus embarrassées. Les détachemens dirigés sur les lieux du travail qu’on avait ordonné la veille s’égarèrent à travers champs ; ils eurent beaucoup de peine à passer les gués, dont l’eau avait grossi rapidement ; on ne put parvenir que fort tard à rallier aux points indiqués trois compagnies de sapeurs et 750 hommes de la ligne, qui avaient été commandés pour la construction des batteries. Après avoir essayé pendant plusieurs heures de se mettre à l’œuvre et d’exécuter les terrassemens, au milieu de torrens de pluie et de l’obscurité la plus profonde, on reconnut, malgré le zèle le plus opiniâtre, l’impossibilité matérielle de rien faire, et les travailleurs furent renvoyés à une heure du matin.

Le lendemain 8 octobre, notre bivouac offrait l’aspect d’un vaste marais ; bien des figures s’allongeaient déjà en voyant la pluie continuer ; on pensait involontairement à la dernière expédition. Sur les dix heures, le ciel s’étant un peu éclairci, nous montâmes à cheval avec M. le duc de Nemours, mis à l’ordre de l’armée, depuis la veille, comme commandant du siège, et nous allâmes visiter la position du général Rulhières. Nos chevaux tombèrent plusieurs fois dans le trajet ; ils ne se tenaient qu’avec la plus grande difficulté sur le sol détrempé