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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/629

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Nous avions évidemment gêné le service des pièces de l’assiégé par la justesse de notre tir, car le feu de l’ennemi se ralentissait peu à peu. Cependant les six canons de la batterie Bab-el-Djedid, protégés par une immense traverse en maçonnerie, continuaient à canonner Coudiad-Aty, où le général Rulhières était parvenu à amener deux obusiers de 24. Nous fûmes étonnés, au commencement du feu, de voir l’étendard d’Aly remplacé sur la porte de Bab-el-Oued par l’étendard de la ville, qui était tout rouge. Cela indiquait, me dit-on, que la population n’était pas satisfaite des évènemens, et qu’elle attribuait à l’influence du sultan la mauvaise tournure que prenaient ses affaires.

Au reste, le nouvel étendart ne tarda pas à être bientôt, comme l’ancien, criblé de boulets et réduit au plus piteux état. Avec tout cela, l’effet de nos pièces sur la ville fut presque nul ; nos obus et nos bombes ne purent y allumer le moindre incendie. L’assiégé ne semblait disposé à nous faire aucune proposition ; nous prévîmes donc qu’il faudrait nécessairement enlever Constantine de vive force. Les généraux tinrent conseil alors ; on examina les différens moyens d’en arriver à ce résultat. On pensa d’abord à une attaque sur la porte d’El-Gharbia, la moins défendue de l’enceinte ; mais la colonne d’attaque aurait eu à parcourir à découvert une distance de plus de 300 mètres sur un terrain en contrepente, sous les feux d’une artillerie tirant à embrasures et d’une ligne de murailles et maisons crénelées de plus de 600 mètres de développement ; arrivée enfin contre l’enceinte, la colonne eût été obligée de s’arrêter pour attendre l’effet du pétard sur la première porte, laquelle enfoncée n’aurait donné d’autre avantage que la facilité de pénétrer dans une petite cour intérieure n’ayant d’issue que par une seconde porte et dominée de tous côtés par des créneaux. Cette disposition, qu’on pouvait distinguer de Coudiad-Aty, ne permit pas de donner suite à cette idée.

La brèche par la mine n’offrait pas moins d’obstacles dans les circonstances où se trouvait l’armée ; ce moyen exigeait que le mineur fût amené au pied de la muraille par des cheminemens à couvert, et que son établissement fût protégé par des places d’armes capables de recevoir une garde de tranchée assez forte pour contenir les sorties de la garnison. Or, tous ces cheminemens sous le Coudiad-Aty auraient dû être faits sur un sol nu, presque partout de roc et en contrepente raide. Le temps et les matériaux nous manquaient, les parapets ne pouvaient être exécutés presqu’uniquement qu’en sacs à terre, et la plus grande partie de l’approvisionnement amené de Medjez-el-Hammar avait été employée aux batteries ; il nous aurait fallu, d’ailleurs,