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Nous étions tous extrêmement fatigués de cette courte, mais rude affaire. La témérité du prince, dans cette circonstance, a été blâmée, je le sais, mais ce n’est certes point par les jeunes officiers de l’armée, auxquels un des fils du roi venait de donner l’exemple de la plus brillante valeur. Ce coup de collier produisit un excellent effet sur le moral de nos troupes que la persistance du mauvais temps, les longueurs du siège et les misères qui en étaient la suite commençaient à décourager. Il plut toute cette journée, et souvent à verse.

Le gouverneur-général, examinant, du haut de Coudiad-Aty, avec le prince et les généraux, les travaux exécutés ou en voie d’achèvement, eut l’idée de faire reconnaître la partie du chemin de Tunis où l’on voulait établir une nouvelle batterie de brèche : l’endroit désigné était à 150 mètres du rempart, et très exposé au feu de la place. Le gouverneur dit en conséquence au commandant de l’artillerie de charger un officier d’aller en mesurer la largeur ; mais le général Valée répondit qu’il désirait ne pas exposer inutilement la vie d’un de ses aides-de-camp, que le chemin avait été toisé avant le jour, et qu’il était sûr qu’il y avait place pour quatre pièces de 24. Le général Damrémont fut un peu piqué de cette réponse, et chercha autour de lui quelqu’un à envoyer. M. le duc de Nemours ayant refusé à M. de Chabannes et à un autre de ses officiers la faveur d’aller faire cette reconnaissance, le capitaine Borel de Bretizel, attaché au général Perregaux, chef de l’état-major général, s’offrit et fut agréé. Il s’acquitta avec beaucoup de sang-froid de sa mission, fort périlleuse d’ailleurs, car il avait à parcourir deux fois, pour aller et revenir, un espace de plus de 300 mètres entièrement en vue et à demi-portée du rempart. M. Borel fit tout le trajet à pied et au pas, mesura la largeur de la route fort lentement, et revint de même, et cela en vue de toutes nos troupes, qui suivaient ses mouvemens avec une grande anxiété. Il eut le bonheur de ne pas être blessé, quoique les Arabes lui aient tiré au moins deux cents coups de fusil pendant ce petit voyage. C’était une honorable mission dont ce brave officier s’est acquitté avec éclat.

Sur notre route, en revenant au camp, nous trouvâmes une grande quantité de chevaux morts auxquels les Arabes avaient coupé les oreilles : c’était un trophée comme un autre, et qu’il leur était facile malheureusement de recueillir, car nos, pauvres chevaux tombaient par douzaines.

Pendant la nuit, les troupes du génie, secondées par l’infanterie du Bardo, continuèrent à travailler à la place d’armes et à la fortifier ; elles exécutèrent deux têtes de sape en sacs à terre. Ces travaux furent inquiétés par la fusillade, la mitraille et les sorties de la place que la