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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/635

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garde de tranchée repoussa à coups de baïonnette : le capitaine d’état-major d’Augicourt fut blessé dans une de ces rencontres. On continua également les autres batteries, et on poussa fort loin l’achèvement de la plupart des travaux.

Le lendemain, quand, suivant notre habitude, nous fûmes arrivés sur le Coudiad-Aty, nous aperçûmes sur notre gauche, dans la campagne, une nombreuse troupe d’habitans campée près de la ferme ou des jardins du bey. Nos lunettes nous permettaient de distinguer des chameaux, des mulets, des poules au milieu des tentes, et tout l’attirail d’un immense déménagement. Il paraît qu’une évacuation générale des bouches inutiles, des femmes, des enfans, des vieillards, avait été ordonnée par le caïd-el-dar (le gouverneur de la ville), et qu’en conséquence les habitans de Constantine que leurs affaires ou leurs devoirs militaires n’y retenaient pas étaient allés camper à une petite distance de leurs pénates, afin sans doute de pouvoir les retrouver sans trop de dérangement aussitôt que notre retraite, sur laquelle Achmet comptait positivement, se serait opérée. Une réunion considérable de Kabyles couvrait les collines du voisinage. Les Arabes en repos ont pour principe de ne jamais rester debout, et s’accroupissent aussitôt : quand deux amis se rencontrent dans la campagne, avant d’entamer leur conversation, ils commencent par s’asseoir. Aussi, lorsque les fantassins d’Achmet réunis attendaient le signal d’une attaque, ils se gardaient bien de rester sur leurs jambes, et les gazons, les rochers des éminences les plus rapprochées de nos positions, étaient, au moment d’une affaire, tous couverts de petites brioches blanches du plus singulier effet.

L’affaire de la veille, à ce qu’il parait, avait dégoûté les Arabes d’en venir aux mains avec nous, aussi se contentèrent-ils toute la journée de tirer sur nos postes à d’assez grandes distances. Les batteries opposées au front d’attaque présentaient une apparence respectable. On avait armé celle de brèche de trois pièces de 24 et d’une de 16. Une autre, consistant en trois obusiers et une pièce de 16, était placée un peu au-dessus à gauche. Enfin, il y en avait une troisième en arrière, armée de deux mortiers de huit pouces.

A neuf heures, le feu de toutes ces batteries, joint à celui de la batterie royale du Mansourah, qui prenait de revers les défenses du front attaqué, commença avec un bruit terrible. L’effet de nos boulets de gros calibre sur la muraille ne tarda pas à être visible. Bientôt le rempart fut entamé ; vers le soir, la démolition avait déjà sept mètres de largeur ; la brèche commençait à se dessiner, mais elle présentait encore