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question d’émancipation de l’agriculture se transforme ainsi en une question financière que les patriotes hongrois ne peuvent résoudre qu’avec l’appui de capitalistes étrangers. L’émancipation morale des classes agricoles n’entraîne pas les mêmes complications : elle peut s’accomplir sans aucun secours du dehors. Aussi les dernières diètes ont-elles travaillé à cette œuvre patriotique avec une admirable persévérance.

Sans doute la transformation du code urbarial est loin d’être complète. Parmi les abus qui n’ont pu encore être déracinés, le plus criant est celui des justices seigneuriales. Hâtons-nous d’ajouter, pour l’honneur de la diète, qu’elle les repousse et en réclame depuis long-temps l’abolition ; mais le gouvernement autrichien trouve son intérêt à les laisser subsister en dépit du vœu national. Les tribunaux seigneuriaux n’équivalent, il est vrai, qu’à une simple justice de paix. Ils ne sont plus présidés, comme autrefois, par le seigneur ou son intendant, mais par un assesseur du comitat, accompagné de deux légistes, tous étrangers à la localité, et qui doivent à leur arrivée prêter serment de juger selon l’équité. Ces tribunaux ont perdu le droit d’infliger des châtimens corporels ; ils ne peuvent condamner le paysan qu’à une semaine d’emprisonnement au plus, dans un local non humide et bien clos, avec une nourriture saine, que le seigneur doit fournir. En outre le condamné, avant l’exécution de la sentence, peut en appeler au tribunal du comitat. Voilà les seules améliorations apportées dans l’administration de la justice. Quant aux cours judiciaires proprement dites, la réforme n’a encore pu les atteindre.

La publicité des plaidoiries avait été décrétée par la diète dès l’année 1842 ; mais le cabinet autrichien, qui a refusé jusqu’ici cette publicité, même à ses états héréditaires, ne doit pas être très empressé de l’accorder à des étrangers insoumis. Aussi a-t-il protesté et déclaré illégale la décision de la diète, et lorsqu’en dépit de cette défense les tribunaux des comitats ont voulu tenir leur première séance publique, la force armée autrichienne est intervenue pour cerner et clore les salles de justice. Voilà comment l’Autriche se montre libérale en Hongrie. Cependant on a toujours regardé la publicité des débats judiciaires comme une garantie contre la vénalité des juges, même inamovibles. A plus forte raison est-il nécessaire d’imposer le frein et la crainte de l’infamie publique à des juges qui, comme en Hongrie, perdent leur place tous les trois ans, à moins qu’ils ne soient réélus par les comitats.

Pour rendre aux cours judiciaires leur popularité perdue, la majorité